Depuis 2000 ans l'histoire de l'église repose sur saint Pierre et Saint Paul. Dans les années 30 à 40 à Jérusalem, la communauté lutte pour sa survie. Pierre incarne le groupe des disciples, opposé à la famille de Jésus, menée par Jaques, le frère du seigneur. Jésus avait-il donc un frère ?
Persuadé que le royaume de Dieu se manifesterait de son vivant, Jésus n'a pas organisé sa succession. La question se pose après sa mort et c'est Pierre qui semble désigné pour succéder à son maître. Mais l'évangile de Mathieu est le seul à soutenir sa cause. À l’inverse, le livre des actes des apôtres, témoin de la première communauté, laisse apparaître la famille de Jésus au premier plan, et parmi elle, Jacques.
Alors que dans les premiers chapitres des actes on a l'impression que l'organisation de la communauté du groupe se fait autour de personnes comme Pierre, Jacques, Jean, les disciples de Jésus, on voit au bout de quelques années qu'en réalité c'est la famille qui a une espèce de succession dynastique, en la personne de jaques, qui a pris en charge la communauté chrétienne de Jérusalem. C'est étonnant parce que le livre des actes place la famille de Jésus, dont sa mère, au milieu du cercle des 12, et on a une attestation unique que ne relatent pas les évangiles. Une interprétation possible: Luc ici, qui est un historien de la continuité, tient à manifester partout où c'est possible les éléments qui relient les événements les uns avec les autres et tissent une continuité théologique. L'occasion était trop belle pour lui de mettre en évidence la position de la famille de Jésus, et notamment de sa mère, avec les 12, parce que rassembler et la mère et les 12 c'est placer juste après la résurrection et avant l'ascension les éléments caractéristiques du réseau relationnel qui était celui de Jésus pendant sa vie.
L’auteur des actes a tendance à vouloir dire non pas ce qui se passe, mais ce qui doit se passer. C’est-à-dire présenter une communauté profondément unie. Il sait qu'il y a des tensions dans la communauté de Jérusalem, mais justement, il invite à aller vers une unité, car pour lui il aura ce qu'on appelle des sommaires, des petits récits sur la communauté de Jérusalem dans lesquels il dira qu’unanimement, d'un seul cœur, leur voix se fera entendre. Au début il nous dit que "unanime, les disciples étaient là assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie la mère de Jésus et avec les frères de Jésus". Il nous laisse entendre qu'il n'y a plus de tension entre les disciples et la famille de Jésus. Il est possible et même probable que la famille de Jésus a eu une attitude réservée à l'égard de ses activités. Lui même avait sans doute pris des distances avec sa famille. Nous sommes dans le monde méditerranéen de l'antiquité et les rapports familiaux étaient très forts. Il représentait le premier lien social. Celui qui coupe les liens avec sa famille perd ses propres racines, il est considéré comme un marginal, et c'est cela que Jésus a fait. Il est fort probable que la famille a réagi par rapport à ça.
Dans l'évangile de Luc, Jésus déclare: "si quelqu'un vient à moi sans haïr son père, sa mère, son épouse, il ne peut être mon disciple."
Dans celui de Mathieu: "Qui aime son père, sa mère, plus que moi, n'est pas digne de moi."
Il est tout de même étrange que les évangiles insistent sur les aspects négatifs de la famille de Jésus excepté sa mère. Il s'agit bien sur d'une histoire, dans les écrits de Luc par exemple il est question des rapports de Jésus avec les siens, du temps de ses activités à Nazareth, là où sa famille habite, et là où ses sœurs sont mariées. Les habitants de Nazareth le rejettent, Jésus s'enfuit alors à capharnaüm près du lac de génésareth pour rejoindre ses disciples. Au chapitre 3 de l'évangile de Marc, nous lisons que les membres de sa famille ont tenté de l'arrêter, car ils s'opposaient autant à son messianisme qu'à la manière de propager ses idées. La mère et les frères de Jésus attendent dehors et veulent parler avec lui, Jésus s’exclame: "Qui sont ma mère et mes frères ?" Il regarde ceux qui sont assis devant lui pour l'écouter et il dit: "voici ma mère et mes frères, voici ma famille". C'est intéressant, la manière dont Marc décrit ces tensions: Jésus exorcise les démons et guérit les malades, ce qu'il fait souvent. On lui dit que sa famille le réclame, car ils le croient fou, ils pensent qu'il est possédé par un démon. On a tout à fait conscience dans la jeune communauté chrétienne, après Pâques, du scandale qu'a représenté cette incompréhension d'une part de la famille d'autre part des gens qui lui étaient proches, les gens de Nazareth. Quand on suit les différents évangiles, par exemple le chapitre 7 de Jean, les frères de Jésus l'invitent à monter à Jérusalem pour se montrer. Ils sont maladroits, ils ne veulent pas comprendre que la mission de Jésus va se réaliser humblement, les disciples aussi auront la même difficulté, ils lui disent en gros: "Si tu veux être connu il faut te montrer à Jérusalem". Dans ce même chapitre verset 5, Jean, un peu perfidement dit "Ses frères ne croyaient pas en lui".
Une hypothèse qui a été défendue par un certain nombre de spécialistes: L'évangile de Marc et l'évangile de Jean, loin de refléter la situation exacte des rapports familiaux entre Jésus et sa famille, reflèteraient les luttes de pouvoir et d'influence entre les communautés auxquelles ces textes ont été associés. Jésus implicitement aurait "déshérité" sa famille, au profit des disciples. Il y a aussi un autre texte intéressant, celui de Jésus sur la croix avec: "il confie sa mère au disciple que Jésus aimait". Parfois on dit: "mais si Jésus avait eu des frères et des sœurs, il n'aurait pas eu besoin de confier sa mère aux disciples". Là on passe à côté du sens du texte, qu'on réduit à un geste filial. Le texte a un tout autre sens, Jésus est en train de constituer une nouvelle communauté. Dans laquelle sont rassemblés disciples et membres de sa famille disant par là que le vrai disciple, le vrai membre de sa famille, c'est celui qui se comporte comme le disciple qu'il aimait. La communauté qui se constitue après la mort de Jésus regroupe donc ceux qui ont été ses compagnons, ses partisans, les membres de sa famille et ses propres frères. Pour beaucoup cela peut paraître surprenant, d'autant plus surprenant que la tradition catholique n'a jamais accordé à Marie d'avoir eu d'autres enfants que Jésus. Marie est censée n'avoir jamais été touchée par son mari, avant et après la naissance de Jésus. C'est ainsi qu'a évolué la croyance chrétienne durant l'antiquité et au moyen-âge. Il s'en est suivi une difficulté par rapport aux premiers textes chrétiens: Jésus a eu des frères et des sœurs. Dans l'évangile selon Marc au chapitre 6 l'évangéliste cite le nom des frères de Jésus. Il sous-entend qu'il avait au moins deux sœurs.
Détail dans ce même texte: en hébreu les noms de ses frères correspondent à ceux des grands fondateurs de la nation d'Israël. Jaques = Jacob par exemple. Donc une famille très patriotique. Ce texte a posé de nombreux problèmes dans l'église à cause d'une affirmation christologique. Marc ne raconte jamais que Jésus serait né d'une vierge, visiblement il l'ignorait. Même Luc et Mathieu parlent des frères et sœurs de Jésus. Ils ne disent pas qu'il faut prendre le mot au sens figuré. Il est dit dans l'évangile de Luc: "Elle mit au monde son premier-né". On peut donc penser que d'autres suivront. Le problème intervient donc lorsque Marie est proclamée éternellement vierge. La conception miraculeuse. Comment expliquer l’inexplicable ? Cela est en lien avec la perception de la sexualité du 4e et 5e siècle, moment où la doctrine se forme. Cette doctrine se fonde sur des textes du 1er siècle, proclamant la virginité de Marie après la naissance de Jésus. Une tambouille dans la traduction grecque a été faite. Comment Jésus de Nazareth peut-il être de Bethléem ? Eh bien c'est comme ça, c'est la vie du messie. La virginité de Marie provient d'une citation détournée pour placer Jésus dans une tradition davidique. Ambroise s'est efforcé de comparer le péché originel en MST. Jésus est cité en tant que "fils de marie", et c'est loin d'être un compliment, car ça veut dire que le père de Jésus était inconnu, puisqu'en général à l'époque les gens étaient désignés comme fils de leur père (Ben- quelque chose). Jésus aurait donc pu être adopté dans le foyer de Joseph.
Une ligne sera développée plus tard, celle de Saint-Jérôme, qui dira que les frères de Jésus sont les fils d'une autre Marie. Thèse peu crédible, mais jacques est resté le cousin de Jésus. Les textes sont en grec, mais profondément marqués par une culture sémitique. Dans ce cas on dit les frères en Hébreux (Achiv, Achot...) qui n'évoque pas le terme dans le sens même père même mère, mais des cousins. Dans les langues sémitiques on peut utiliser un même terme avec deux connotations, mais en grec, et les évangiles sont écrits en grec, il y a deux termes distincts pour frère et cousin. On ne comprend pas pourquoi ils n'auraient pas fait cette distinction. Au nom de quoi on devrait interpréter le mot grec frère dans un autre sens ? Et juste pour le cas de Jacques ? Cette lecture des textes est confirmée par les épitres de Paul, qui parle de Jacques comme le frère de Jésus (Adelphos) et non pas en tant que cousin (anepsios). Ce problème est contenu dans la judéité de Jésus, qui devait être présentée comme unique par la suite.
Jacques passe ainsi de frère à cousin, à cause d'une lutte de pouvoir entre la famille et les disciples. Il était le plus influent et le plus doué. Ceci dit, deux images sont données de lui. Celle contenue dans l'acte des apôtres, et celle relayée par Paul, il n'y a pas d'autres sources. Épitre aux corinthiens, Jésus ressuscité apparaît à Jacques. Seul Paul semble être au courant, et ça ne lui pose pas de problème. Donc le Nouveau Testament minimise l'importance de Jacques. Ceux qui parlent de Pierre ou de Jacques sont ceux qui ont été en conflit avec l'un ou l'autre. Jacques réapparaît dans le livre des actes comme étant de première importance. Chronologiquement ça donne: épitre aux Galates, où Jacques est présenté de première importance. Ensuite dans l'évangile de Marc (65-70) Jacques est presque totalement absent. Suivent les actes des apôtres, où il est présenté comme un personnage clé, chef de la communauté de Jérusalem. Si Paul dit que Jacques était important dans cette ville, on aurait tendance à le croire compte tenu de la chronologie. La disparition de Pierre correspond à la prise du pouvoir par Jacques. Dans la plupart des textes, les deux décennies suivant la mort de Jésus sont sous l'égide de Pierre. Mais il disparait peu à peu, partit en voyage, emprisonné, libéré par un ange. Jacques a donc le champ libre à Jérusalem.
2 mystères:
Pourquoi cette succession au sein de la communauté ?
Pourquoi une telle autorité confiée à une personne qui ne faisait pas partie des 12 ?
Le souvenir de Jacques est effacé avec le temps. 3 handicaps pour expliquer cela:
Il est le frère de Jésus. Il est un juif religieux très strict et conservateur. Il est le chef de l'église de Jérusalem, alors que l'évolution ira vers un centre romain, dont les patrons étaient Pierre et Paul. Victime en un mot de la dé-judéisation progressive de l'église.
sources: C.Amphoux, F.Blachetière, F.Bovon, P.Geoltrain