Robespierre ne doit son image de tyran qu'à la propagande thermidorienne.
Sans doute une des plus grosses falsifications de la mémoire nationale française.
C'est cela ...
La vérité est là. Si Robespierre avait voulu sincèrement arrêter la Révolution, il n'eût pas attendu à thermidor. S'il l'avait voulu avec ce désintéressement héroïque qu'on lui prête, pourquoi, au lieu de demeurer seul, ne s'entourait-il pas, au moment où ils sentait comme lui cet immense besoin de concorde, de pardon et d'oubli, des Dantonistes convertis ? Pourquoi, n'étendit-il point à Camille Desmoulins, coupable d'avoir prononcé le mot de clémence, cette absolution habile par laquelle il chercha à se rallier les voix des soixante-treize députés, rendus à leurs sièges ? La reconnaissance fut digne, au reste, du bienfait : « Pouvez-vous nous répondre du ventre? » demanda Billaut-Varennes à un des députés du Centre. « Oui, si vous êtes les plus forts, répondit-il.»
Si Robespierre, sans être désintéressé, était seulement sincère, dans ces velléités conciliatrices, par lesquelles il cherchait à échapper à la solidarité sanglante qui l'entraînait malgré lui, pourquoi, le 8 thermidor, demandait-il encore des têtes ? Pourquoi, près de mourir, voulut-il, une dernière fois, constater par la terreur sa puissance qui lui échappait, et menaça-t-il, en tremblant déjà, comme disait Tacite, ses ennemis sans oser les nommer ? Ah ! c'est que, déjà environné de fantômes vengeurs, il se sentait entraîné par la triple fatalité de l'ambition, de la colère et de la peur.
Donc, le 8 thermidor, il menaçait encore, ce tyran aveuglé qui, le 9, allait être menacé à son tour. Qu'on ne nous fasse donc pas de lui une victime de la modération et de la clémence, mais une dupe de la haine et de la peur. Qu'on ne dise pas que la lutte était à ce point engagée, qu'il fallait encore, à ce système sanguinaire, qui avait dévoré et englouti, comme le Minotaure, tant de nobles têtes, une dernière offrande pour l'apaiser. La preuve que Robespierre pouvait encore, aux premiers jours de thermidor, se montrer impunément calme, conciliateur, vengeur, c'est que ses ennemis, qui ne valaient pas mieux que lui, saisirent victorieusement ce rôle qu'il dédaignait, et qu'il fut égorgé au nom d'une réaction, habilement feinte, de justice et de pitié, par ses anciens complices, dont la libératrice hardiesse fit oublier tous les crimes, et que les larmes reconnaissantes de la France entière lavèrent, indignes sauveurs, de leurs ignominies.
Tallien, Fréron, Barrère devinrent des hommes, presque de grands hommes, à la suite de ce coup d'Etat, ou plutôt de ce guet-apens, plus habile que courageux, du 9 thermidor. Si Robespierre, au lieu de se laisser surprendre, les eût devancés, les acclamations eussent été plus chaleureuses et plus unanimes.
Mais non, il ne voulut pas, il ne sut pas, il n'osa pas. Il fit maladresse sur maladresse. Il tira un discours de sa poche quand il fallait, comme Tallien, tirer un poignard ; il parla quand il fallait agir; il discuta quand il fallait combattre; il fut au-dessous du mépris d'un Payan, des injures d'un Coffinhal. Ce héros qui voulait, dites-vous, sauver la France, il ne sut pas se sauver lui-même, alors qu'il le pouvait, alors qu'il avait la force pour appuyer ce droit qui semblait encore résider en lui. Il ne sut pas se sauver ; il ne sut pas même mourir, comme Le Bas, et échapper, en singeant les stoïques Romains, à la main du bourreau. Echappé miraculeusement une première fois, il se laissa prendre au dévouement égoïste de ses amis, qui voulaient se cacher derrière lui.
http://www.democratie-royale.org/articl ... 08681.html