Je me contente de montrer que le savoir scientifique ne correspond pas aux exigences de rationalisme que lui prêtent les scientistes.
Le scientiste c'est celui qui en est rendu à demander la preuve intelligible de l'existence de la matière sous peine de l'étiqueter "croyance" et de ne pas en tenir compte, s'il fait mine de ne pas y croire, dans ses raisonnements. C'est une dérive scientiste en ce qu'en faisant des exigences critiques de la méthode scientifique un tel absolu, un tel impératif sacré, elles finissent par paralyser tout son déroulement puisqu'il faudrait considérer comme seulement "possible" l'existence de la réalité qui est pourtant, faut-il le rappeler, ce qui est censé intéresser en premier lieu l'esprit scientifique... Manœuvre retorse qui en vient à réhabiliter la pensée magique par la recréation d'une frontière infranchissable entre les spéculations personnelles et le monde réel avec ses forces et ses corps. Comme le dit Mort aux cons, toutes les nouvelles formes de religiosité se nourrissent de ce grand n'importe quoi. Ça permet de distinguer la "bonne" Science, qui s'accorde avec ses caprices, et la "mauvaise" science, que l'on peut laisser de côté en en remettant en cause le bien-fondé sans se fatiguer pour lui nier tout accord avec la réalité. Je pourrais vous chercher des spécimens intéressants ailleurs sur internet mais nous en avons déjà de beaux sur ce forum.
Aucun scientifique ne niera qu'il faut s'en remettre systématiquement à la connaissance sensitive (directe ou améliorée par la technique, disons "perceptive" pour éviter les ambiguïtés) puisque la science moderne est justement née de la valorisation de l'expérience dans les nouvelles méthodes de construction et de révision du savoir. Prétendre que tout se fait à l'intérieur de l'esprit et qu'il faudrait convertir les preuves sensitives en preuves intelligibles est un sophisme. Tous ceux qui le profèrent se mentent d'ailleurs à eux-mêmes puisqu'ils vivent sans le faire (autrement, ils me laisseraient leur écraser les couilles quand je le leur propose.)
Votre définition du scientiste est erronée ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Scientisme j'ai honte de vous donner ) le scientiste ne questionnera jamais les fondements de la science comme le croyant ne remettra jamais Dieu en question.
Dans le fond je pense que nous sommes d'accord, ce que vous dites c'est qu'il faut abandonner une rationalité absolue, qui mène dans l'impasse éléatique, afin d'aborder le réel en tant que nous le ressentons.
Là où nos avis divergent (et dix verges c'est énormes comme disait PD), je pense, c'est sur la suite à donner. Pourquoi si la science n'est pas valide formellement, lui accorder le statut de description du réel. Pourquoi vouloir exiger de la science qu'elle colle au monde, alors que c'est un risque intellectuel énorme, et qu'à chaque évolution qui entrainera la chute d'une théorie, il faudra reconnaitre s'être trompé, ce qui risque de délégitimer la science aux yeux des badauds. En l'acceptant comme une modélisation du monde que nous percevons, la science s'impose d'elle-même et ne peut plus être contestée, et l'adoption d'un modèle différent ne remets pas en cause le modèle précédent, puisqu'il était effectivement valide jusqu'à ce qu'on y trouve une faille.