2 avril 2013
Dans son message de Pâques, le pape ménage les relations de l'Eglise avec les musulmans
Rome Envoyée spéciale
Lors du chemin de croix, à Rome, François a salué " l'amitié de tant de nos frères musulmans "
Dans ses appels à la paix lancés à l'occasion du traditionnel message de Pâques, dimanche 31 mars, le pape François a évoqué plusieurs zones de conflits à travers le monde - Moyen-Orient, Afrique, péninsule coréenne -, mais s'est gardé de toute allusion aux violences interreligieuses qui en sont parfois la toile de fond.
Ainsi, évoquant le Nigeria où " ne cessent pas les attentats qui menacent la vie de tant d'innocents et où de nombreuses personnes, même des enfants, sont retenues en otage par des groupes terroristes ", le pape n'a pas explicitement cité les islamistes du groupe Boko Haram, responsables, notamment, de l'enlèvement de la famille française Moulin-Fournier et d'attaques antichrétiennes régulièrement dénoncées par le Vatican ces derniers mois.
Depuis son élection, le pape semble vouloir ménager les relations, parfois tendues, entre le Vatican et l'islam. Il a ponctué plusieurs de ses interventions de messages, ténus mais répétés, aux musulmans. Ainsi, à l'issue du chemin de croix du vendredi saint, il a souligné " l'amitié de tant de nos frères musulmans ", observée selon lui lors du voyage de son prédécesseur au Liban, en septembre 2012. Il concluait une cérémonie lors de laquelle les méditations, préparées à la demande de Benoît XVI par de jeunes Libanais, avaient dénoncé " le fondamentalisme qui prend prétexte de valeurs religieuses " et les " persécutions " dont sont victimes les chrétiens d'Orient de la part de tenants de l'islam radical.
La veille, dans un geste totalement inédit et diversement apprécié, le pape François avait choisi d'inclure une femme musulmane dans le groupe de douze jeunes prisonniers retenus pour la traditionnelle cérémonie du lavement des pieds du jeudi saint, célébrée dans une prison de la banlieue de Rome.
Lors de sa première intervention devant le corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, le 22 mars, le pape avait aussi souligné la nécessité " d'intensifier le dialogue entre les différentes religions ". " Je pense surtout au dialogue avec l'islam ", avait-il insisté, se félicitant de la présence durant sa messe d'installation " de nombreuses autorités civiles et religieuses du monde islamique ".
" Choc des ignorances "
Le pape François se souvient sans doute que les débuts du pontificat de Benoît XVI avaient été marqués sur ce sujet par la colère des musulmans après le discours de Ratisbonne, dans lequel le pape avait fait un lien entre islam et violence. A l'époque, le porte-parole du cardinal Bergoglio avait pris ses distances avec cette déclaration.
Le sort réservé aux chrétiens dans des pays à majorité musulmane et la vitalité de l'islam en Europe constituent des motifs d'inquiétude pour l'Eglise. En dépit de rapprochements entre responsables religieux catholiques et musulmans initiés après Ratisbonne, " le dialogue islamo-chrétien connaît des difficultés conditionnées par des situations politiques ", a reconnu le cardinal Jean-Louis Tauran, " ministre " des relations interreligieuses, au lendemain de l'élection du pape, le 13 mars. Les représentants de l'université Al-Azhar du Caire, qui avait rompu ses relations avec le Vatican en 2011, après l'appel du pape à venir en aide aux chrétiens d'Egypte, ont espéré " de meilleures relations avec le Vatican " et insisté sur la nécessité de " nouvelles orientations ".
Les responsables musulmans argentins ont tenu à souligner leurs bonnes relations avec le nouveau pape, mais l'ancien cardinal de Buenos Aires est davantage connu pour ses liens étroits avec la communauté juive, son dialogue avec les protestants évangéliques, fortement présents en Argentine, ou ses messages aux non-croyants. Reste à " créer des espaces d'authentique fraternité ", comme l'a souhaité François devant les ambassadeurs, afin de contrer le " choc des ignorances " régulièrement dénoncé par Mgr Tauran.
Stéphanie Le Bars
© Le Monde