Oui, votre altesse. Et la connerie, surtout l'impériale, devrait l'être aussi. La suite de votre éducation à l'Histoire :
« J.C. : Où en est-on en 1954 au point de vue du cheminement du nationalisme algérien ?
G.P. : Le nationalisme algérien, dont l’existence- même avait été niée jusqu’en 1936 par Ferhat Abbas et par une grande partie de l’élite de culture française, est devenu un fait incontestable depuis la Deuxième guerre mondiale. Il a été créé et diffusé par un mouvement national, c’est à dire une minorité convaincue et organisée, composée de plusieurs tendances. La plus importante est le PPA-MTLD, présidé par Messali Hadj, qui revendique l’indépendance totale à conquérir par tous les moyens (y compris l’insurrection armée), et qui s’enorgueillit de sa base populaire tout en attirant un nombre croissant de diplômés. Les autres tendances ont un programme moins radical, en ce qu’elles proposent une république algérienne fédérée à la République française dans le cadre de l’Union française, et y réservent une place aux Algériens non-musulmans. Ce sont le PCA, parti au recrutement mixte, mais qui veut disputer au PPA sa base populaire, l’UDMA de Ferhat Abbas, parti d’élite qui se veut au service de son peuple, et l’Association des Oulémas, représentant l’élite de culture arabo-islamique, et pourtant alliée à l’UDMA laïque.
Ces quatre organisations se disputent le droit de parler au nom du peuple algérien, mais aucun, même pas le PPA, n’est un échantillon statistiquement représentatif de la masse déshéritée. Les résultats des élections dans le deuxième collège (réservé aux électeurs de statut personnel musulman) ont permis jusque en 1947 de suivre les progrès de l’audience des partis nationalistes, mais depuis le deuxième tour des élections à l’Assemblée algérienne (mai 1948), le trucage systématique des élections dans ce collège par l’administration ne permet plus de les mesurer. Les autorités françaises croient à un déclin du nationalisme, et jugent nécessaire de lui barrer la route jusqu’à ce que les résultats de leurs plans de réformes économiques et sociales en détournent les masses. Le Comité central du MTLD lance en 1953 un appel à tous les partis et groupements algériens pour les inviter à s’unir et à étendre leur influence dans les secteurs de la société algérienne qui ne leur sont pas encore acquis ; mais cette initiative provoque la révolte de la base « messaliste » du Parti contre la direction « centraliste » qu’elle accuse d’embourgeoisement. C’est alors qu’une troisième force composée d’anciens de l’OS (l’Organisation spéciale paramilitaire créée en 1947 pour préparer une insurrection, et démantelée en 1950) relance le projet insurrectionnel (poursuivi depuis 1938 par une fraction du PPA), pour sortir le mouvement national de sa crise, mais sans que toutes les conditions d’un soulèvement national soient réunies. »