La controverse de Sion – l’un des ouvrages les plus controversés jamais écrits
À son époque, Douglas Lancelot Reed (1995 - 1976) avait de nombreux lecteurs. De nos jours, il est quasiment oublié, ou alors, la seule mention de son nom provoque l’indignation des experts de l’Establishment… enfin, parmi ceux qui ont entendu parler de lui. La raison d’une telle réaction n’est pas difficile à trouver : en son temps, Reed alerta l’opinion sur ce qu’il considérait comme un complot juif visant à dominer le monde, et dont il retraça l’histoire de façon exhaustive dans son livre : La controverse de Sion. Cet ouvrage fut terminé en 1956, mais ne fut publié qu’en 1978, deux ans après sa mort.
La nécrologie de Reed publiée dans The Times le décrivait comme un « virulent antisémite ». Une lecture attentive de La controverse de Sion montre pourtant que cette opinion est discutable – même si, occasionnellement, Reed a pu se qualifier lui-même d’auteur de textes antisémites. Par cette déclaration, Reed semblait plutôt désigner son ardent anti-pharisaïsme, anti-talmudisme et antisionisme. Cependant, il ne semble pas avoir été antisémite – au sens de haïr les juifs – puisqu’en de nombreux passages de son livre, il fait preuve d’une grande compassion à l’égard des juifs ordinaires.
Néanmoins, l’antisionisme de Reed, exprimé en des termes aussi virulents, rend la première lecture de La controverse de Sion dérangeante, voire même repoussante, dans la mesure où toute les convictions progressistes que pourraient avoir le lecteur sont constamment remises en cause. Ces convictions, nées des réflexions sur l’holocauste nazi et renforcées par la propagande de l’État israélien, assimilent toute attaque du moindre aspect de la pensée culturelle ou politique juive à de l’antisémitisme.
Dans La controverse de Sion, Reed ne cesse de lutter contre ce parti-pris occidental, et le décrit tel qu’il est – inconsidéré et irréfléchi. La question qu’il pose est la suivante : le sionisme est-il véritablement utile au peuple juif ? En d’autres termes, le sionisme est-il pro-juif, ou en fin de compte anti-juif ? Dans ce livre, Reed remet constamment en question les idées reçues sur la justice et son application lorsqu’il s’agit des affaires juives et israéliennes. La question centrale est donc celle de l’honnêteté. Dans quelle mesure ce livre est-il juste ? Quel crédit accordons-nous aux recherches historiques sur lesquelles est fondée cette oeuvre ? La pensée sous-tendant cet ouvrage est-elle humaniste ?
En écrivant ce livre, Reed tentait de révéler un complot à demi secret. Un complot, qui, d’après l’auteur, remonte à l’époque où les Lévites réussirent à constituer une puissante cabale sous le règne de Josias, roi du royaume de Juda (640 – 609 av. J.-C.). On peut retracer les grandes lignes de ce complot en suivant une trame spécifique qui se déroule tout au long de l’Ancien Testament, mais qui est surtout manifeste dans le Deutéronome. Les objectifs de ce complot sont une domination des nations voisines du royaume de Juda (et par extension, une domination de toutes les nations du monde), dont les tributs, versés par tout peuple conquis, rempliraient les caisses de Jérusalem.
De ce point de vue, il s’agit donc d’un plan autoritaire et centralisé. Il est également « nationaliste » : les Judaïtes étaient considérés comme les élus de Yahvé, c'est-à-dire sa nation préférée. Reed démontre que ce n’est pas forcément ce que les Lévites, les Pharisiens et les Talmudistes croyaient en réalité. En un sens, ce n’était que de la propagande, ou une fiction utile, permettant de justifier la prise de pouvoir et le contrôle de la population de Jérusalem par une élite. Cette propagande eut également un effet coercitif : elle généra une pensée de groupe à laquelle il était difficile d’échapper. La culture de Juda était une culture tribale centrée sur deux éléments : le Temple et la Torah, et il est intéressant de constater que tous deux étaient sous contrôle du clergé lévitique. On constate avec effroi que les effusions de sang en constituaient l’aspect le plus notable.
Reed suggère que ce mode de pensée était relativement nouveau – bien qu’à priori, le système de castes indien évoque une idéologie similaire, quoique non centrée autour du culte d’une déité spécifique ou d’un clergé rigoureusement organisé. Toutefois, il semble qu’à l’époque (500 av. J.-C.), le jaïnisme, le bouddhisme et les autres philosophies yogiques (avec l’importance qu’elles accordaient à l’universalisme et à la non-violence) réussirent à neutraliser cette mouvance barbare, illustrée entre autres dans le Rig-Veda – et qui rejoint peut-être ce que les anthropologues qualifient de « guerre endémique », c’est-à-dire un état de guerres perpétuelles intestines prenant place dans une société tribale et guerrière.
L’idéologie lévitique pourrait remonter en partie – bien que Reed ne semble pas l’aborder – à la société hautement encadrée de l’Égypte dynastique, qui, au cours de la majeure partie d du Bronze final, contrôlait la Palestine. Reed souligne que la période située aux alentours de 500 av. J.-C. fut marquée par un mouvement tendant vers l’universalisme, c’est-à-dire l’intégration des différentes cultures au sein d’une humanité considérée comme un tout. Il est important de noter qu’a contrario, le judaïsme résista à cette tendance.
Jusqu’à l’époque de Jésus, l’expérience vécue par les Judéens illustre la manière dont un peuple peut être forcé à adopter un mode de pensée qui ne sert pas ses meilleurs intérêts. Les Judéens étaient à la fois poussés et tirés : poussés à accepter cette idéologie car on leur suggérait que la destruction par des puissances étrangères menaçait ceux qui s’éloignaient du troupeau, et tirés par l’idée que la domination du monde s’offrirait à ceux qui resteraient dans le droit chemin. Bien évidemment, une telle approche n’a rien de vraiment moral ; mais un soupçon de moralité, de poursuite du bien plutôt que du mal, leur fut servi dans une série de prophéties de l’Ancien Testament qui contredisaient la vision des Lévites. Le lecteur averti y verra une réfutation des vociférations rituelles du « nous contre eux » que l’on trouve dans des livres comme le Lévitique, le Deutéronome, Ezekiel, ou Esther/Néhémie. Mais sans un examen attentif, on a l’impression que cette tromperie était soutenue par un Yahvé bon et moral qui ne faisait que s’opposer à l’idolâtrie, c’est-à-dire aux pratiques de ces « eux » : les Canaanéens.
Reed montre qu’en réalité, les Lévites et les Pharisiens étaient les adorateurs de Moloch dénoncés par des prophètes comme Jérémie. Et c’est cet élément que souligna Jésus, qui fut apparemment capable de percevoir objectivement la globalité de cette dynamique. Comme Reed le souligne dans son court chapitre sur Jésus (qui constitue peut-être l’une des meilleures parties de La controverse de Sion), Jésus estimait que les Pharisiens étaient les ennemis de la loi cosmique, dans la mesure où ils avaient inventé leur propre réalité, leur propre histoire sur la façon dont les choses auraient dû être, dans le récit de la Torah. Parallèlement, les Judéens, que l’on avait enfermés dans un récit officiel et convaincus que la vie d’un individu s’arrêtait totalement dès la mort physique, restaient généralement prisonniers d’une bulle étroite de raisonnement purement linéaire, privés de contexte réel. Les conséquences de ce mode de pensée sont suffisamment évidentes, comme le site Signs of The Times tente de le montrer : nous sommes abrutis, privés de tout contexte historique véridique, incapables en raison d’un syndrome de Stockholm collectif de remettre en cause l’histoire officielle claironnée par les médias de masse. Le résultat de cet abrutissement signifie qu’un seul scénario semble possible – à savoir l’acceptation des espoirs et des peurs distillés par les pouvoirs en place.
Une juste compréhension du 11 septembre fait évidemment voler en éclat un tel scénario – de même que La controverse de Sion fait voler en éclats l’image du sionisme. De la même manière, Jésus fit voler en éclats l’image des Pharisiens lorsqu’il évoqua les meurtres d’Abel et de Zacharie (Luc 11). Dans Myth and History in the Bible (2003) , Giovanni Garbini, chercheur biblique, affirme que par cette évocation, Jésus faisait allusion à un coup d’État qui avait eu lieu en 164 av. J.-C., et que les représentants saducéens et pharisiens pouvaient difficilement ignorer, puisqu’ils semblent y avoir participé. Voilà pourquoi le meurtre d’Abel (dont le récit se trouve dans la Genèse 4-16) ne fut pas condamné, Yahvé étant devenu le protecteur de Caïn, pour l’unique raison qu’Abel était considéré comme le prédécesseur du grand prêtre Zacharie. Ainsi, les meurtriers de Zacharie furent-ils également considérés comme tombant eux aussi sous la protection de Yahvé. Les commentaires acerbes de Jésus indiquent ce qu’il pensait de la Torah, et ce que ses premiers adeptes en pensaient aussi – une Torah qui fut clairement « bricolée » par les comploteurs eux-mêmes jusqu’au 1er siècle après J.-C. Il n’est pas étonnant que les extrapolations de Saint Paul quant à ce récit épique traficoté sur l’histoire d’Israël aient abouti à une théologie qui ressemble à de nombreux égards à celle des Pharisiens – et qui deviendrait malheureusement la référence de l’Église.
En bon journalise de presse écrite, Reed semble à son aise lorsqu’il retrace le labyrinthe de la politique du XXe siècle – et il est intéressant de constater à quel point ses idées se verront confirmées par des révélations ultérieures à 1956. Toutefois, même pour ce qui est des périodes historiques les plus anciennes, Reed semble avoir émis des conjectures surprenantes, qui ont été confirmées par des critiques contemporains de l’Ancien Testament issus de l’École de Copenhague, notamment Thomas L. Thompson et Garbini – Garbini en particulier, qui n’a pas peur de souligner qu’un véritable complot politique prit naissance lors de la transformation de l’Ancien Testament en outil de propagande. Leurs recherches, par exemple la reconstruction de l’histoire d’Israël présentée dans le deuxième tome de l’ouvrage de Thompson intitulé The Mythic Past: Biblical Archaeology and the Myth of Israel (1999) , et les livres de Garbini History and Ideology in Ancient Israel (1986) and Myth and History in the Bible (2003) valent vraiement la peine d’être lus dans la perspective d’une réévaluation radicale de l’histoire de l’Ancien Testament et de la manipulation sociale.
Reed s’atttaque ensuite au Talmud. Quoi que l’on puisse penser de ses commentaires sur ce livre (et il est difficile d’avoir une pensée critique dans le domaine sans une solide connaissance de l’ouvrage étudié), d’une certaine manière cela importe peu, tant les preuves présentes dans l’Ancien Testament lui-même sont accablantes. Ce qui semble particulièrement intéressant, c’est que l’Église ait été amenée à croire que l’Ancien Testament rapportait la véritable parole divine. Ce point allait revêtir une importance cruciale au cours du XXe siècle, lorsque les hommes politiques chrétiens apporteraient leur soutien au sionisme, en grande partie parce qu’ils avaient été amenés à penser que les « promesses » de l’Ancien Testament venaient de Dieu, et qu’il était donc souhaitable de les respecter.
Ce soutien chrétien apporté au sionisme semble avoir été essentiel pour des personnalités comme Lord Balfour ou Lloyd George, et demeure important de nos jours (en particulier aux États-Unis) avec le sionisme des chrétiens évangéliques, qui a des relents de pacte révolutionnaire judéo-chrétien. Les attentes messianiques ont été utilisées pour pousser les chrétiens dans le camp sioniste. La manière dont cela a eu lieu est une épopée en soi, et malheureusement, ce n’est pas un sujet que Reed traite de façon exhaustive. Il va en revanche droit au but en différenciant les enseignements du Nouveau Testament et ceux du Deutéronome. On découvre évidemment que ces deux approches sont diamétralement opposées.
Cela signifie que les chrétiens sionistes (et par conséquent, tous les chrétiens qui considèrent que l’Ancien Testament rapporte la parole divine) tentent en fait de suivre deux voies en même temps. Il n’est pas étonnant qu’avec de tels fondements, l’histoire de l’Église ait été si violente, si étrangement contradictoire et si éloignée des enseignements du Prince de la Paix. Selon Reeds, Saint Jérôme est l’initiatieur de cette mouvance qui conduisit l’Église à accepterl’Ancien Testament, non pas comme une source « historique » permettant de replacer les enseignements de Jésus et de Saint Paul dans leur contexte, mais comme un ensemble d’enseignements moraux en tant que tels.
2 Timothée 3-17 (« Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour reprendre, pour remettre les choses en ordre, pour discipliner dans la justice, pour que l’homme de Dieu soit pleinement qualifié, parfaitement équipé pour toute œuvre bonne. ») semble être à la source du problème. Le point clef est que le terme « Toute écriture » n’est pas défini. Cela signifie-t-il « tout ce qui est écrit » ? Peut-être. Peut-être que tout ce qui est écrit est utile d’une manière ou d’une autre, si cela pousse le lecteur à une réflexion sérieuse sur ce qui se produit dans le labyrinthe de sa pensée, et dans l’environnement tout aussi labyrinthique dans lequel nous nous trouvons.
Dans ce passage, peut-être Saint Paul essayait-il simplement d’encourager les chrétiens à lire et à penser. Mais, bien sûr ,le terme « écriture » peut être réduit, et par là même corrompu, pour se référer uniquement à ces textes que quelque autorité (c’est-à-dire le Synode pharisaïque de Jamnia (Yavne), ou l’un des Conciles œcuméniques) considérait comme canoniques. Que l’Église ait adopté la résolution du Synode de Jamnia sur ce sujet est en soi étonnant – pour ne pas dire totalement suspect. Le fait est que l’Église n’a aucune raison valable d’accepter une résolution provenant du Sanhédrin : elle aurait dû la rejeter directement comme fondamentalement anti-chrétienne, puisque le Sanhédrin avait participé (d’après l’Évangile de Marc) à la condamnation de Jésus juste avant sa mort, et à celle des premiers chrétiens.
Le fait est que la constitution des canons bibliques constitue l’une des plus grandes faiblesses du dogme de l’Église, et les chrétiens évangéliques en particulier sont devenus, comme la plupart des juifs, victimes de la même propagande : une acceptation des ambitions sionistes, à laquelle la seule alternative est la damnation éternelle. Les chrétiens gagneraient à apprendre que la majeure partie de l’Ancien Testament est contraire aux enseignements de Jésus – tout comme les juifs gagneraient à apprendre qu’il y a deux trames totalement différentes dans l’Ancien Testament, et qu’ils ont été trompés par l’hypothèse qui veut que l’Ancien Testament constitue un seul et unique document.
Saint Jérôme (qui était particulièrement dogmatique, pour ne pas dire foncièrement vicieux) joua probablement un rôle majeur dans la cristallisation finale de ce processus – mais d’autres avant lui subirent certainement une influence spécifiquement juive les poussant à reconnaître le canon hébreux tel que défini par le Sanhédrin. Cela semble quelque peu absurde ; on aurait pu penser que quelqu’un, quelque part, aurait crié au fou – sans doute certains le firent-ils, de la même manière que certains observateurs des événements du XXe siècle (comme le maréchal Archibald Wavell et Sir Frederick Morgan) tentèrent d’informer l’opinion publique des violences et de l’hypocrisie des ambitions sionistes, et furent simplement muselés et mis sous l’éteignoir. Reed, bien évidemment, connut le même destin – comme il l’avait probablement prévu.
Quant à notre ère moderne, Reed fait quelques observations stupéfiantes sur l’origine franc-maçonnique de la Révolution Française ; la franc-maçonnerie est décrite comme une confrérie qui fut co-optée par les Illuminatis de Bavière afin de gagner du pouvoir en Europe et aux États-Unis, sur la base d’un modèle strictement hiérarchique. La structure de cette organisation était avant tout fondée sur le secret : ses agents étaient toujours conscients d’être eux-mêmes espionnés, mais ils éprouvaient l’excitation grisante à la perspective d’être impliqués dans une vaste conquête du pouvoir – un pouvoir à arracher aux mains de l’aristocratie européenne – de pouvoir en jouir pleinement et de donner naissance à un nouveau paradis terrestre.
Ces méthodes secrètes de prise de pouvoir semblent avoir été utilisées par les juifs talmudistes d’Espagne, où un haut niveau de domination autoritaire semble avoir été la règle, et plus tard en Europe de l’Est, vers laquelle se tourna la diaspora juive au XVIe siècle. Il n’est pas évident que les ghettos juifs aient été institués par les puissances chrétiennes. Reed laisse entendre que les ghettos résultèrent principalement du désir des dirigeants juifs d’encadrer les juifs en les regroupant au sein d’espaces urbains confinés. Dans les ghettos, les individus pouvaient être surveillés de près, les dirigeants juifs mettre en place leur propre système juridique, et un conformisme rigide être imposé.
Reed souligne que les Bolchéviques adoptèrent un modèle fondé sur une organisation secrète et une pensée de groupe similaire à celui que l’on trouvait dans les ghettos – et qu’en ces temps de ferveur révolutionnaire, les plus jeunes générations issues des familles juives de Russie étaient habituellement scindées en deux : d’un côté, des jeunes hommes et femmes oeuvrant activement à l’émergence d’un foyer juif en Palestine (les sionistes), de l’autre, des jeunes poursuivant les idéaux marxistes et anti-tsaristes. Reed révèle des informations, jusqu’alors occultées, selon lesquelles la grande majorité des dirigeants léninistes étaient d’ascendance juive. Le seul fait que cette information ait été dissimulée et qu’il était interdit d’en parler lui semblait d’importance.
Comme mentionné précédemment, Reed est particulièrement à l’aise dès qu’il s’agit du XXe siècle. Il analyse minutieusement les carrières d’Edward Mandell House et de Bernard Baruch, tous deux conseillers présidentiels aux États-Unis, et de Chaim Weizmann, qui eut une énorme influence sur la politique étrangère britannique – et il semble étonnant que ces individus aient joui d’une telle écoute et d’une telle influence auprès des grands décideurs.
Dans son Épilogue, Reed résume La controverse de Sion en la qualifiant de récit écrit par un témoin de ce jeu de dupe qui piège tout autant les dirigeants occidentaux, les juifs et les activistes révolutionnaires que le lectorat de la presse écrite. Ce récit est animé d’une grande ferveur. Mais en même temps, il ne s’agit pas d’un récit polémique biaisé. Les faits qu’il met en avant, en tant que journaliste de premier plan, confirment avec force sa croyance selon laquelle l’aventure sioniste constitue un abus de confiance, et seul les sionistes ont quelque chose à y gagner. Ceux qui dénoncèrent cette arnaque furent (et bien sûr sont toujours) traités d’ « antisémites », ce qui démontre que ce type d’accusation n’est rien d’autre que de la diffamation infondée, que l’on se doit de réfuter.
Alors, quelle est la fiablité de Reed en tant qu’historien ? Pour répondre à cette question, – et d’un point de vue strictement personnel – on peut développer trois points :
1. Il est touchant de constater que même si Reed soupçonne les Talmudistes d’avoir été impliqués dans la guerre civile anglaise, il fait preuve de rigueur en déclarant qu’il ne dispose pas de preuves permettant d’étayer cette déclaration. Je pense que cela démontre l’utilisation raisonnée des preuves dont il disposait.
2. On pourrait accuser Reed d’une sorte d’antisémitisme, dans la mesure où il semble considérer que, quelque part, les Khazars (cette peuplade turque qui semble être à l’origine des juifs askhénazes) sont pires que les autres peuples. Il oppose fréquemment la « barbarie asiatique » aux gloires de la chrétienté occidentale civilisée. Je dois dire que j’éprouve un malaise à chaque fois qu’il verse dans ce genre de propos. Je doute que l’Occident soit si civilisé que ça. Comme l’a dit un jour George Gurdjieff, la civilisation occidentale recouvre sa très grande violence sous un vernis de mots raffinés. Gurdjieff déclara également qu’en général, les Européens comprenaient très peu la richesse et la subtilité de la culture asiatique. Je pense que Reed, en bon conservateur, est peut-être tombé dans ce piège.
3. Néanmoins, même s’il avait par certains côtés un profil d’homme vieux-jeu amateur de costumes en tweed – ou autre qualificatif du genre – il avait aussi cette ouverture d’esprit qu’il est toujours rafraîchissant de rencontrer. Par exemple, il est à remarquer qu’il parle en des termes élogieux de Mikhail Bakounine et d’Ernest Bevin, qui avait tous deux des sensibilités politiques ancrées bien à gauche : le premier était un farouche anarchiste révolutionnaire russe (dont on peut apprécier l’anti-monothéisme radical dans cette fiévreuse déclaration : « si Dieu existait, il faudrait l’abolir »), le second était un homme politique pragmatique, secrétaire aux Affaires étrangères du Parti travailliste britannique. Le sentiment d’affinité que nourrissait Reed à l’égard de ces deux hommes démontre combien il était fondamentalement honnête et humain.
Mais pour en revenir un instant à Bakounine : après avoir lu Reed, on comprend mieux que Boukanine, pourtant fervent internationaliste et partisan de la fraternité humaine, ait écrit Polémique contre les Juifs. De même, on comprend mieux les soupçons fort répandus parmi les socialistes et les anarchistes radicaux du XIXe siècle au sujet des ambitions juives. Ils étaient aux premières lignes du combat contre les abus de pouvoir, et n’allaient pas se laisser déstabiliser par les définitions limitées et autoritaires de ce qu’ils étaient censés penser. Ils voyaient les racines de l’exploitation de leurs propres yeux, et n’ignoraient pas que certains juifs oeuvraient à consolider leur propre pouvoir – pas ouvertement, mais dans les corridors du pouvoir, dans les mouvements pseudo-révolutionnaires comme l’Internationale marxiste, dans le sionisme, et grâce aux faveurs spéciales que leur accordaient moyennant « finances » les gouvernements européens et étasunien.
Le secret semble être l’élément maître de ces sombres maneuvres – c’est un point que l’on ne devrait peut-être pas oublier, lorsqu’on voit de quelle façon « les intérêts de la sécurité nationale » sont systématiquement invoqués pour justifier le refus de nos gouvernements de révéler des informations relatives à leurs agissements. Même des individus haut placés, comme Benjamin Disraeli – dont les origines juives lui permirent apparemment de mieux percevoir le mode opératoire de certains juifs – et Ernest Bevin – qui dans les faits était en charge de la Palestine juste après la Deuxième Guerre mondiale – ne purent guère plus que révéler ce qui se passait en coulisses. Ils se sentaient en quelque sorte menacés, comme s’ils percevaient que le pouvoir dont ils disposaient pourrait leur être retiré s’ils en disaient trop ; ou que les juifs ordinaires – les millions de juifs respectables qui étaient eux-mêmes manipulés – pourraient se retouver en danger si l’opinion publique se retournait contre tous les juifs, les considérant comme ennemis de la race humaine.
Bien entendu, ce ne sont pas les juifs le problème, et Reed n’a jamais dit autre chose. Mais il semble bien y avoir des individus qui utilisent la question juive comme prétexte pour répandre violence et exploitation à travers l’Europe et le Moyen Orient. Des fonctionnaires héroïques comme James Forrestal à Washington firent leur possible pour faire part à leurs supérieurs de leurs inquiétudes au sujet des plans sionistes – mais sans grand résultat. La tragédie se poursuit aujourd’hui dans le camp de concentration de Gaza.
In fine, c’est le caractère monothéiste des religions juive et chrétienne qui a été lui-même instrumentalisé pour servir un programme politique visant à concentrer le pouvoir entre les mains d’une minorité. Yahvé se trouve au sommet de cette pyramide du pouvoir. Tout le monde est manipulé – révolutionnaires et partisans de toutes sortes sont dupés en permanence et montés les uns contre les autres.
Que cela signifie-t-il pour nous ? Il se pourrait que la seule révolution efficace ne puisse être accomplie que par un réseau d’individus dédiés à une recherche passionnée de la vérité. Seule la connaissance de la manière dont nos maîtres ont fonctionné, et continuent à fonctionner, donnera la chance aux pauvres hères que nous sommes de voir à quel point nous sommes mystifiés et manipulés. La controverse de Sion est une œuvre importante en ce qu’elle révèle des informations d’une telle nature, et il est ironique que ce faisant, elle soit elle-même devenue l’une des oeuvres les plus controversées de toute l’Histoire.
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