suite
à lire, extrait article 17/03/2011
http://www.rue89.com/2011/03/17/a-genne ... nce-195569
"C’est vrai, Gennevilliers jouit de ressources considérables : l’équivalent de 3 049 euros par habitant et par an. Dans les Hauts-de-Seine, seule Puteaux fait mieux (3 750 euros), grâce à La Défense.
Si la ville est riche, les ménages gennevillois sont les plus pauvres du département (la moitié d’entre eux ne paye pas d’impôt sur le revenu). De quoi faire fonctionner intensément les mécanismes de redistribution.
De fait, la municipalité intervient dans la vie quotidienne de nombreuses familles :
elle est le premier logeur (64% de logements sociaux) ;
le deuxième employeur après la Snecma (le premier si l’on compte les vacataires) ;
parfaite dame patronesse, elle anime aussi le temps libre (4,6 millions d’euros de subventions versées aux 167 associations gennevilloises).
« Forcément, même quand la municipalité leur inspire du dégoût, les gens ont l’impression qu’ils lui doivent tout », observe Sébastien Parisot, le directeur du Club du Luth, une association d’accompagnement des jeunes de cette immense cité. Il ajoute :
« A la mairie, c’est un mélange : il y en a qui donneraient leur chemise et puis il y a – comment dire ? – des communistes du CAC 40. Pas terribles. Mais les gens ont l’impression qu’avec d’autres aux commandes, leur vie pourrait être pire encore. »
La cité du Luth, à Gennevilliers (Audrey cerdan/Rue89).
Le risque d’un « vote beur »
En même temps, les « autres » n’ont jamais redoublé d’efforts pour conquérir Gennevilliers :
« Pour les municipales de 1983 et les cantonales de 1985, le RPR avait envoyé deux transfuges de l’extrême-droite, Dieudonné Duriez et Gérard Ecorcheville », raconte Roland Muzeau, l’actuel chef de file des députés communistes à l’Assemblée.
« Ils ont mené des campagnes très dures, comme celle qu’avait menée Charles Pasqua à Levallois. Mais depuis, aucun candidat de droite n’a tenté sur la durée de s’implanter. » ;
le Front national, lui, a eu jusqu’à quatre conseillers municipaux. Pour le sociologue Olivier Masclet, auteur d’une enquête de terrain à Gennevilliers, « c’était un vote de petits Français qui se sentaient déclassés, captifs de leur cité transformée en supermarché de la drogue, révulsés par le comportement d’une partie de la population installée dans leur quartier. » Depuis, ceux qui en avaient les moyens ont déménagé. Beaucoup sont devenus abstentionnistes ;
il n’y a pas eu non plus de la part du Parti socialiste de tentative organisée de prendre la ville au PC. Comme le dit un vieux militant socialiste : « L’union de la gauche est en place ici depuis 1966, et ça marche pas mal, pour une ville qui a dû gérer la présence de grands bidonvilles et la disparition de l’industrie. »
Seul le risque d’un « vote beur » a menacé la toute-puissance du PC. Celui des enfants et petits-enfants des ouvriers que les patrons d’usines allèrent chercher au Maroc par cars entiers à partir de l’entre-deux-guerres.
La section communiste de Gennevilliers a réagi en en intégrant quelques-uns à l’équipe municipale dans les années 90. Mais beaucoup ont dû se contenter de seconds rôles. « Même s’il y a eu des avancées réelles pour représenter l’ensemble des Gennevillois dans la vie municipale, on ne peut pas s’en satisfaire », admet Roland Muzeau, le député.
« Il nous promet trois belles escalopes... »
Quinze ans plus tard, un risque de cassure avec une partie de la population semble ressurgir. On ne dit plus « les Beurs », on dit « les jeunes », mais l’impression d’être laissés pour compte est la même.
Nasser Lajili, jeune cuisinier et vieux militant associatif, se présente en son nom, et fait campagne sur ce thème pour les cantonales. Au pied de la barre Lénine, son discours convainc, mais les jeunes adultes élevés au Luth ne se déplaceront pas pour autant dimanche. L’un d’eux dit :
« Il nous promet trois belles escalopes alors que, comme les autres, il va nous servir deux radis puants. »
Même si le maire s’en désespère, jusqu’ici, l’abstention est son allié objectif : les mécontents se taisent, les partisans votent, les habitants qui n’ont pas la nationalité française (27% des adultes) sont spectateurs, le PC reste en place.
À la cité du Luth, à Gennevilliers (Audrey cerdan/Rue89).
« Sentiment de trahison des jeunes issus de l’immigration »
Les jeunes du Luth, eux, observent un taux de chômage incapable de redescendre sous le seuil de 15%, leurs petits frères quitter l’école sans diplôme (un jeune sur deux se retrouve à 16 ans sans formation initiale). Ils voient aussi la municipalité inaugurer des sièges sociaux flambants neufs, réhabiliter d’anciennes zones industrielles, lancer de nouveaux programmes immobiliers. Et se sentent délaissés.
Eric Marlière connaît ce « sentiment de trahison des jeunes issus de l’immigration » :
« La ville change et cela se fait dans leur dos. Tout en entretenant son électorat traditionnel, le PC local essaye de faire exister une “petite classe moyenne” – “petite” pour ne pas être tentée par d’autres options politiques, mais suffisamment “classe moyenne” pour avoir une meilleure image à l’extérieur. »
Cette quête de respectabilité autant que d’un semblant de mixité sociale est un tournant historique. « Dans les années 90, on est passé d’une ville dont la population était et ne pouvait être que la classe ouvrière à une ville pour tous », dépeint Alain Bourgarel, père de « la première ZEP de France » et ancien conseiller municipal PS.
etc
le maire ne peut que se coucher.