Si Israël n’existait pas, nous serions dans l’obligation d’inventer un autre ennemi ! Par Sami Alrabaa
« Nous autres Arabes, du moins nos régimes et nos médias, saisissons toute occasion pour dépeindre Israël comme le pire Mal au Moyen Orient.
Un exemple récent, en janvier dernier (2008) nous avons condamné Israël lorsque les Gazaouis ont fui en Egypte le blocus qui leur était infligé. Personne n’a mentionné les raisons du blocus.
Pendant plus d’1/2 siècles, les Arabes ont décrit Israël comme leur ennemi principal, une « force impérialiste », soutenue par les Américains, qui, en permanence, inflige aux Palestiniens « un génocide, la famine et les violations des droits de l’homme ».
Mais soyons sérieux, alors que nous déplorons l’existence de cet Etat, nous, les régimes arabes, nous sommes au fond très content qu’Israël existe. Nous avons un coupable à blâmer de la misère et de la confusion de nos peuples. Si Israël n’existait pas, nous serions dans l’obligation d’inventer un autre ennemi à accabler, par exemple, en demandant la restitution de terres arabes à la Turquie (Province d’Iskanderoun) ou à l’Iran (province de l’Arabstan).
Israël a cessé d’occuper Gaza et le Liban Sud. Et pourtant, pour le Hamas et le Hezbollah, ce n’est pas assez! L’Egypte a récupéré jusqu’au dernier m2 toute sa terre, mais elle continue, à travers ses médias et ses porte-parole à tenir un discours hostile et provocateur à l’égard d’Israël.
L’animosité des Arabes est devenue un article de foi, une forme de « religion »: Israël est un mal inacceptable et les Arabes en sont les victimes. Cela dépasse la logique, la nécessité d’une realpolitik et toute preuve tangible.
Des cinglés comme moi qui croient dans la coexistence font l’objet de la fureur des médias arabes et sont menacés de « la colère divine ».
Les médias arabes ont concocté toutes sortes de théories de conspiration. Israël n’occupe pas seulement une terre arabe et n’affame pas seulement les Palestiniens, il provoque toute sorte d’animosité entre les Arabes.
Dans l’hebdomadaire du Caire Al Ahram (les Pyramides), Hassan Nafaa écrit le 26/01/08: « En persistant dans sa détermination à créer la zizanie entre les Arabes, Israël a été à l’origine des dissensions entre le Fatah et le Hamas.
Il n’a pas ménagé ses efforts pour inciter l’Autorité Palestinienne à reprendre Gaza et éliminer le Hamas et le Jihad Islamique de la Cisjordanie… Tel Aviv n’a jamais été sérieux à propos d’une solution pacifique du conflit et reste ferme dans son double objectif de garder la terre et de diviser les Arabes«
Combien de fois Tel Aviv n’a-t-il pas demandé au régime Baa’thiste de Syrie de revenir à la table des négociations? Les Syriens ont à chaque fois refusé l’offre et ont insisté pour la récupération du plateau du Golan – « après on verra » disent-ils. Même si la Syrie récupère le Golan, le régime Baa’thiste de Damas restera provocant, soutenant les milices telles que le Hezbollah ou le Hamas.
Dans le même numéro d’Al Ahram, on trouve les résultats d’un sondage mené par « le Centre de recherche al Moustaqbal » de Gaza d’après lesquels le Hamas reste toujours populaire parmi les Palestiniens, alors que son rival le Fatah est en déclin, notamment en Cisjordanie.
Essam Adwan, professeur de science politique à l’Université d’al Aqsa à Gaza n’est pas surpris disant « Bien que le niveau de vie des Gazaouis ait sérieusement chuté sous le gouvernement du Hamas, de larges secteurs de l’opinion palestinienne continuent de soutenir le Hamas, simplement parce qu’il est en guerre contre Israël! »
Cela n’est pas surprenant. Qui ose dire ouvertement qu’il s’oppose au Hamas ? Il serait abattu sur le champ.
En fait le Hamas et tous les régimes arabes ont pris en otage leur population. Personne n’ose plus s’opposer à ces régimes autoritaires, risquant d’être traité de traître, emprisonné ou tué.
Les régimes autoritaires ont besoin d’un ennemi extérieur. Les périls extérieurs, réels ou fictifs, garantissent le soutien de la population.
Hitler et d’autres dictateurs ont procédé de la même manière et les despotes arabes continuent le processus. Jusqu’à leur chute. En attendant que la démocratie et la liberté de parole soient introduites dans les pays arabes, que des partis d’opposition soient autorisés à s’exprimer, que le discours agressif et venimeux soit éliminé des écoles et des médias, la flamme de la haine continuera à flamber et les forces radicales continueront à l’animer.
Lorsque vous parlez aux gens en privé, ils vous disent qu’ils sont fatigués et malades de leurs régimes. Ils veulent la paix avec Israël.
Si des consultations libres et transparentes étaient tenues, la majorité voterait pour une complète coexistence avec Israël. Et parmi eux à Gaza, on pourrait trouver peut-être Ali, Nidal, Tawfiq et Moufid (qui ont refusé de donner leur nom de peur de représailles), qui ont dit à un journaliste allemand que ceux qui ont défoncé la frontière avec l’Egypte essayaient de fuir le Hamas, la vie sous sa férule étant devenue insupportable. »
Sami Alrabaa, est un professeur de sociologie, vivant en Allemagne et commentateur des affaires arabes.