Nous sommes allés mon épouse et moi passer deux jours à Camaret-sur-mer, dans la presqu’ile de Crozon ; face à Brest. Besoin de souffler deux secondes.
J’ai tenu à me rendre sur les ruines du manoir de Pierre-Paul Roux, écrivain et poète connu sous le nom de Saint Pol Roux (1861-1940). Devant ses ruines, une profonde émotion m’étreignit. Un envie de pleurer.
Ce marseillais connut quelques petits succès symbolistes à la fin du XIX ième siècle. Puis il se retira « plus prés de Dieu » en Bretagne, à Camaret. Marié, puis veuf, il eut la douleur de perdre son fils en 1914, au combat. Oublié de tous ou presque, les années 20 le consacra : il devint Saint Pol Roux le magnifique. Les surréalistes virent en lui « l’Ancêtre ». Breton (publication d’un hommage à St Pol Roux), Céline, Max Jacob et bien d’autres firent le pélérinage à Camaret.
Le sous-préfet de Chateaulin aussi vint le voir ; un certain Jean Moulin.
La catastrophe frappa en juin 1940. Un soldat allemand ivre pénétra dans ce manoir, peu joli à mon goût. Il tua la servante, aurait violé la fille du poète, Divine. Il blessa également le vieillard. Le chien de la maison fit fuir le criminel, qui, d’après les autorités allemandes, aurait été fusillé pour cet acte.
Saint Pol Roux mourut de chagrin à 79 ans en octobre 1940, à l’hôpital de Brest. Le manoir fut occupé par les forces allemandes et détruit par l’aviation alliée.
Ma tante a habité dans le même immeuble que Divine Saint Pol Roux. Elles échangeaient quelques mots, de temps à autre. Un jour, ma tante lui demanda en mon nom si elle serait disposée de vendre quelques papiers de son père. Mais la vieille demoiselle refusa : tout devait partir aux Archives Nationales. Elle décéda quelques temps après.