95: DIEU NE PEUT VOULOIR LE MAL
Tout ce qui a été dit jusqu'ici nous aide à voir que Dieu ne peut vouloir le mal. La vertu d'une chose, c'est ce par quoi l'on agit bien. Or toute oeuvre de Dieu est une oeuvre de vertu, puisque sa vertu, nous l'avons vu, est son essence même. Dieu ne peut donc vouloir le mal. La volonté ne se porte jamais au mal sinon par une certaine erreur de la raison, au moins sur l'objet particulier du choix. L'objet de la volonté étant en effet le bien qui est saisi par l'intelligence, la volonté ne peut se porter au mal à moins que ce mal ne lui soit proposé d'une certaine manière comme un bien, ce qui ne peut se faire sans qu'il y ait erreur. Or il ne peut y avoir d'erreur dans la connaissance divine. La volonté de Dieu ne peut donc tendre au mal. Bien plus, Dieu est le souverain bien. Or le souverain bien ne peut souffrir aucun commerce avec le mal, pas plus qu'un objet suprêmement chaud ne peut souffrir le mélange du froid. La volonté de Dieu ne peut donc s'infléchir vers le mal. Comme le bien a raison de fin, le mal ne peut s'infiltrer dans la volonté qu'en la détournant de la fin. Or la volonté divine ne peut se détourner de la fin, puisque Dieu ne peut rien vouloir qu'en se voulant lui-même. Dieu ne peut donc vouloir le mal. On voit ainsi clairement qu'en Dieu le libre-arbitre est par nature inébranlablement fixé dans le bien. C'est ce qu'affirme le Deutéronome: Dieu est fidèle et sans iniquité, et encore Habacuc: Tes yeux sont purs, Seigneur, et tu ne peux regarder l'injustice. Se trouve ainsi confondue l'erreur des Juifs qui prétendent dans le Talmud que Dieu, parfois, pèche et se purifie du péché; comme celle aussi des lucifériens qui prétendent que Dieu a péché en repoussant Lucifer.
39: IL NE PEUT Y AVOIR DE MAL EN DIEU
La conséquence s'impose: il ne peut y avoir de mal en Dieu. Ni l'être, ni la bonté, rien de ce qui est dit par essence, ne peuvent admettre de mélange, bien que ce qui existe ou est bon puisse avoir quelque chose en dehors de l'acte d'être et de la bonté. Rien n'empêche en effet que le sujet d'une perfection le soit d'une autre, qu'un corps par exemple puisse être blanc et doux. Mais chaque nature est enfermée dans les termes de sa définition au point de ne pouvoir admettre en elle rien d'étranger. Or Dieu est la bonté, il n'est pas seulement bon, nous venons de le montrer. Il ne peut donc rien y avoir en lui qui ne soit la bonté. Il est ainsi absolument impossible que le mal ait place en lui. Ce qui est opposé à l'essence d'une chose ne peut absolument pas coexister avec elle tant que cette chose subsiste; le caractère irrationnel ou l'insensibilité ne peuvent par exemple se rencontrer dans l'homme, sans peine pour l'homme de ne plus exister. Mais l'essence divine, nous l'avons vu, est la bonté même. Le mal, qui est l'opposé du bien, ne peut donc avoir place en Dieu, à moins que Dieu ne cesse d'exister. Ce qui est impossible, puisque Dieu est éternel. Dieu étant son propre acte d'être, rien ne peut lui être attribué par participation, comme il ressort de l'argument avancé plus haut. Si donc le mal devait lui être attribué, il lui serait attribué, non par participation, mais par essence. Or on ne peut dire d'aucun être que le mal soit son essence, car il lui manquerait d'être, ce qui est un bien. Pas plus que la bonté, le mal ne peut admettre quelque chose d'étranger. On ne peut donc attribuer le mal à Dieu. Le mal est ce qui s'oppose au bien. Or le bien consiste par définition dans la perfection, et donc le mal, par définition, dans l'imperfection. Or défaut, imperfection, ne peuvent trouver place en Dieu, universellement parfait. Le mal ne peut donc exister en Dieu. Un être est parfait autant qu'il est en acte. Il sera donc imparfait pour autant qu'il manquera d'acte. Le mal est donc une privation, ou inclut une privation. Or le sujet de la privation, c'est la puissance. Mais celle-ci ne peut se trouver en Dieu, et donc le mal pas davantage. Si le bien est ce que tous les êtres désirent, le mal est ce que fuient, en tant que tel, toutes les natures. Or ce qui s'attache à un être à l'encontre de son appétit naturel, s'y attache par violence et contre nature. En tout être, le mal, en tant qu'il est le mal de cet être, se trouve donc par violence et contre nature, quand bien même, - s'il s'agit de réalités composées -, il lui est naturel pour une partie de lui-même. Or Dieu n'est pas composé et rien ne peut exister en lui par violence ou contre nature. Le mal ne peut donc avoir place en Dieu. C'est ce que confirme la Sainte Écriture. Il est dit en effet dans l'Épître canonique de Jean: Dieu est lumière; en lui il n'y a pas de ténèbres. Et au Livre de Job on lit: Que l'impiété s'écarte de Dieu et l'iniquité du tout-puissant
http://livres-mystiques.com/partieTEXTE ... entils.htm