Le petit chat
Enfin dans ta chambre chérie
Ayant pénétré malgré toi,
Ta gentille ménagerie
Hier a paru devant moi.
Ton musée, aimable Rosine,
Sans doute n'est pas sans éclat.
Mais le plus joli, ma cousine,
C'est, à coup sur, ton petit chat.
Tu te plains de ce que naguère
Négligeant tes jeunes appats,
Avant mon départ pour la guerre,
De toi je ne m'occupais pas.
Sur le minet d'une voisine,
Si j'ai commis doux attentat,
C'est qu'en ces temps là, ma cousine,
Tu n'avais pas de petit chat.
Pour nous charmer à l'improviste,
En vain tu cachais ces trésors.
Moi, curieux, naturaliste,
Pour les voir j'ai doublé d'efforts.
Mais voir est trop peu, j'imagine,
Voir n'amène aucun résultat;
Ah! permets-moi, chère cousine,
De caresser ton petit chat.
Tu souffres que sur sa parure
Je promène un doigt empressé.
Mais tu veux que de sa fourrure
Le duvet ne soit point froissé.
Va, ne crains rien pour son hermine,
Mon doigt est fort et délicat.
Vois, il fait faire, ma cousine,
Le gros dos à ton petit chat.
Toujours désireux de te plaire,
Ah! sans lui vouloir aucun mal,
Que j'aimerais à satisfaire
Ce petit gourmand d'animal,
Si d'un coup de griffe assassine
Je n'avais peur qu'il me payât.
Sois franche et bonne ma cousine,
Dis-moi: mord-il ton petit chat ?
Dès qu'entre ses lèvres de rose
Minet sent mon doigt friponner,
Vois le petit gueux comme il ose
Le serrer et l'emprisonner.
Je veux de son ardeur mutine
Punir le petit scélérat.
Dis-moi sans peine ma cousine:
Fait-on pleurer ton petit chat?
Quelle délicatesse extrême!
A peine si je l'ai foulé,
Et pour deux coups, forts légers même,
Déjà ses larmes ont coulé.
Mais pour cela chère Rosine
Ne va pas me faire sabbat,
Car tu jouissais ma cousine
Lorsque pleurait ton petit chat.
Paul Émile Debraux
1796 - 1831