Silencieux depuis ces révélations, Tariq Ramadan a porté plainte pour « dénonciation calomnieuse ». Tribun nomade, prédicateur sulfureux, orateur réclamé dans le monde, il passe sa vie sur la route, la nuit à l’hôtel, le matin dans l’avion. Ses conférences, « rémunérées de plusieurs centaines d’euros », précisent d’anciens proches, commencent par un monologue, introduit par quelques sourates ; puis il répond aux questions de l’auditoire, donne des conseils sur la foi, la famille, la vie politique, médiatique, économique.
A Casablanca, en mars 2011, il déclare : « Pour que l’accomplissement de [la] sexualité se confirme dans la spiritualité, il faut qu’elle se réalise devant Dieu […] et soit sanctionnée par […] le contrat du mariage. » « Son métier, c’est de parler de vie privée et de morale, commente Majda Laroussi. Or, il n’y a pas une once de moralité en lui. » Beaucoup de jeunes viennent l’écouter, autant de femmes que d’hommes. Il arrive « toujours en retard, comme une star », précise un habitué. Maître de conférences à Sciences po Lyon, Haoues Seniguer s’est intéressé à la rhétorique de Tariq Ramadan dans les années 2000. « C’est un prédicateur et, pour cela, pas besoin de qualification. On le devient dès lors qu’on est capable d’appeler à Dieu, au bien, de condamner le blâmable, de dissuader de l’inconvenant. » Cela, Ramadan le fait avec talent. Lui, dont les parents n’ont jamais travaillé à l’usine, séduit même les fils d’ouvriers.
Tariq Ramadan est un Européen issu de la bourgeoisie égyptienne. Il naît et grandit à Genève, dans le centre islamique fondé par son père, Saïd Ramadan, auprès d’une mère qui est la fille d’Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères musulmans. « Les Ramadan forment un clan, explique Ian Hamel, journaliste qui lui a consacré un livre. Toute la famille siège au conseil d’administration de leur mosquée. La mère aurait un très fort caractère. Elle a élevé ses six enfants comme une élite musulmane qui se considère au-dessus du lot. » A Genève, Tariq devient professeur de collège. Il se forme religieusement, étudie la théologie en Egypte pendant quelques mois et passe une année en Angleterre, dans un centre d’approfondissement de la foi. Il propose de donner bénévolement une conférence hebdomadaire à la faculté de Fribourg. « Ce qui lui permet d’usurper le titre de professeur d’université, explique Ian Hamel. Il a difficilement validé sa thèse sur son grand-père, Al-Banna, qu’il présente comme un Gandhi musulman… Depuis il n’a d’ailleurs jamais eu aucun élève thésard. »
S'il se défend d'appartenir aux Frères musulmans, cela ne l'empêche pas de véhiculer leurs idées
La doctrine des Frères musulmans repose sur une idéologie politique identitaire, anti-occidentale, que beaucoup tiennent pour totalitaire, même si elle se dit officiellement non violente depuis les années 1970. Al-Banna la définit comme « une organisation complète qui englobe tous les aspects de la vie »… et qui prône, en Egypte, l’établissement d’un Etat islamique et l’application de la charia, la loi islamique. Pour y appartenir, il faut prêter allégeance lors d’une cérémonie, au terme de trois ans d’apprentissage. Le sociologue Omero Marongiu-Perria en a fait partie de 1993 à 2004 :
« Tariq Ramadan n’a jamais prêté allégeance, mais il n’en a pas besoin, sa filiation suffit. » Si l’héritier se défend d’appartenir aux Frères musulmans, cela ne l’empêche pas de véhiculer leurs idées.
Une ambiguïté ... Son concept est contradictoire : Ramadan promet une réforme de l’islam… mais rappelle qu’il ne faut pas toucher à ses fondamentaux. Moins radical que les salafistes, Ramadan, à l’image des Frères musulmans, tient néanmoins un discours puritain sur la famille, le mariage, la mixité. A Doha, au Qatar, il a créé un centre d’éthique « pour développer une approche musulmane des questions du monde contemporain, mais en restant prisonnier des traditions », indique Omero Marongiu-Perria qui dénonce « une absence de consistance ». ...
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