Depuis le péché originel, le corps humain objet de péché et de honte se doit d'être caché. La pudeur cela s'appelle ...
En exclu pour vous la trame de mon prochain essai : "Le Souffle de Chair" :
Toute créature nous est livre, image et miroir.
Nous sommes plus proches de l’incarnation de Jésus par le corps que par l’esprit. Car notre âme n’est jamais pure. C’est pourquoi il faut jouir pour bien prier… Faire l’amour sur l’autel d’une église, où est le mal ? Ce serait offrir à Dieu le plaisir, la jubilation de la chair. Sa plus belle œuvre.
Voir dans la Chair la principale cause du péché est faire insulte au Créateur. Après tout, Dieu ne nous a-t-il pas donné Son fils dans une chair semblable à la nôtre ? L’incarnation de Jésus tient une grande place dans le Credo, et dans l’Ave, donc ! Le fruit de vos entrailles est béni. C’est tout de même très explicite. L’accouchement, quoi qu’on en dise, est un acte très charnel. Il y a le bruit, les odeurs, les sécrétions. Il faut penser que le fils de Dieu est passé par là. Et a grandi ; est devenu un enfant, un adolescent puis un adulte dans un corps de chair tout pareil au nôtre. Accuser notre corps d’enraciner au sol notre âme, de la corrompre par ses besoins bestiaux ; se convaincre que sans ce maudit fardeau à traîner, on ne serait qu’un pur esprit, est un peu facile. Notre corps est innocent. Ce sont les turpitudes de notre âme qui le souillent bien souvent ; et on ne fait rien pour l’empêcher.
Dieu est la Beauté ; la beauté terrestre dans laquelle on le retrouve le plus sûrement est le corps humain, celle de ses créations dont il est le plus proche. Plus encore que de l’âme humaine, puisque nous l’avons corrompue. Notre corps, en revanche, bien qu’il subisse désormais l’usure du temps, est resté intact dans sa conception ; nous devons donc le considérer comme notre plus précieuse relique des temps bénis. Lorsque fut commis le péché originel, notre âme a été plus souillée que notre corps.
La grâce est le vêtement naturel de la beauté.
La grâce est dans les vêtements, les mouvements ou les manières ; la beauté, dans le nu et dans les formes.
Un beau corps mérite d’être entretenu et porté à la juste admiration d’un public choisi.
Notre corps est notre trésor, au même titre que notre esprit. La pudeur ne doit pas être confondue à la honte, pas plus que la nudité à l’absence de vertu.
Entendons-nous, la pudeur est charmante, surtout indispensable à l’éducation des enfants pour l’enseignement de la morale. C’est la négation du corps et de ses beautés, qui est odieuse. Il faut préserver la gaieté dans la pudeur et l’innocence dans la nudité. C’est là sans doute l’éducation la plus délicate à donner, mais celle qui forme les êtres les plus charmants dans leur élégante simplicité, leur naturel et leur joie de vivre, riches d’un paradoxe qui les a rapprochés des anges et de Dieu. D’une personne saine, on doit pouvoir dire que sa nudité fait inévitablement penser à sa pudeur.
Le corps de l’être aimé est une fleur que l’on tient tout contre soi, tout contre son visage, que l’on embrasse tout en la respirant et qui exhale pour cela plus de parfum, jusqu’à ce que l’on en soit enivré.
Il y a une nudité pure, qui élève ceux qui la contemplent en même temps que la personne qui est contemplée.
Je pense qu’il faut ré-enchanter la nature. Il faut que le chant du corps soit un chant divin. Et comment faire ? Peut-on évangéliser la chair ? Il paraît qu’il est suicidaire de vouloir évangéliser l’enfer. Mais le corps n’est pas démoniaque. Vouloir faire de la chair une chose maléfique est une folie et une insulte au Créateur. Le puritanisme de beaucoup de croyants est désastreux pour les âmes. L’ennemi numéro un du dévot, c’est l’instinct sexuel ; il n’oublie qu’une chose, c’est que cet instinct doit lui aussi venir de Dieu.
Niera-t-on que la sensibilité existe ? Affirmera-t-on que l’on puisse faire comme si elle n’existait pas ? Peut-on vivre avec son corps sans lui prêter la moindre attention ? Les corps existent, et nous trouvons certains de ces corps admirables ; faut-il le nier ? Sommes-nous de purs esprits ? Non et non !... Il faut vivre avec ses fantasmes en sachant le danger des passions
L’amour n’est pas aimé, disait saint Antoine… Comme c’est vrai ! Le monde hait tant l’amour, et sait si peu le reconnaître, qu’il commet la folie de le confondre presque toujours avec le péché.
L’amour ignore la pitié, tout comme la nature ignore la morale.
On dirait que certains catholiques ne sont pas loin de demander à la grâce de supprimer la nature, notamment lorsqu’il s’agit de dompter les envies sexuelles – manifestation de la nature considérée par eux comme ennemie de la vie spirituelle. C’est oublier un peu vite que la grâce à besoin de la nature pour se manifester… La grâce est là pour sublimer la nature, pas pour la nier.
La sexualité vient de Dieu et est naturelle ; on ne peut donc pas l’annihiler – et surtout pas à l’aide de la prière. Au mieux (ou bien au pire), on peut tenter de faire correspondre, d’aligner l’instinct sexuel à une certaine norme, civile ou ecclésiastique. Mais si cette norme contrevient à la nature (nature humaine en général et nature spécifique de l’individu), alors celle-ci reprendra ses droits tôt ou tard, en faisant plus ou moins de dégâts. Ironiquement, il n’est pas interdit de penser que la grâce peut l’y aider, si elle sert à ce que l’individu vive heureux, épanoui et libre.
La grâce doit aider l’individu à vivre en conformité avec ce que Dieu veut.
J’imagine que c’est avec ce que Dieu veut de chaque individu…
Autant dire alors que la grâce doit aider l’individu à vivre en conformité avec lui-même.
La grâce ne sert absolument pas à brider la nature. Au contraire, elle sert à ce que la nature s’exprime harmonieusement dans l’individu.
Et si la grâce servait surtout à vivre au-dessus des lois civiles et ecclésiastiques ?
En voulant se faire pur esprit, l’être humain renonce à la moitié de lui-même et à tout ce qui fait sa grandeur.
Il n’y a pas de bonheur sans amour… et il n’y a pas d’amour sans liberté, ni de liberté sans un choix, c’est-à-dire une épreuve.
On ne peut jouir en pensant, ni penser en jouissant : on n’est plus soi-même à ce moment-là. On se quitte. C’est toute la question de la tension entre la chair et l’esprit ! On ne peut pas y faire grand-chose, si ce n’est briser cet héritage du manichéisme qui voudrait voir la chair inéluctablement opposée à l’esprit par l’effet du péché originel. En fait, cette tension existait dès le début !
On est toujours seul avec ce qu’on aime.
J’aime l’être humain. Passionnément. Pour moi, un paysage n’a aucun intérêt s’il n’y a personne pour le peupler – pour lui donner vie. Et la lumière du soleil filtrée par les sous-bois est désincarnée, si elle ne vient baigner de jolies jambes. B2 – 97
Pascal : « Il faut n’aimer que Dieu et ne haïr que soi. »… Non, je ne me hais pas. Si nous ne sommes qu’une masse de créatures haïssables, Dieu nous demanderait d’aimer notre prochain comme nous-mêmes ?... On en revient à l’éternel problème : aimer sans être aimé.
Parallèle avec St Jean de la Croix
La vérité est toute nue, dit le proverbe. Je veux la nudité.
Dans son épître aux Romains (VII – 7, 25), saint Paul semble dire qu’il obéit à Dieu selon l’esprit, mais qu’il est condamné à pécher selon la chair… Or, la chair ne pèche pas toute seule… On pèche par la chair… La chair est l’occasion du péché auquel l’âme consent. Ce que je trouve logique : si les désirs du corps trouvaient dans le corps leur foyer, on ne voit pas comment ils viendraient à le détruire. Il faut qu’ils viennent d’ailleurs – de l’âme – puis qu’ils s’exercent dans le corps… Alors que saint Paul, si je le comprends bien, n’est pas loin de dire que son esprit veut le bien, tandis que sa chair veut le mal… Mais comment la chair voudrait-t-elle quelque chose ?
― Ne croyez-vous pas que la chair puisse s’exciter et prendre le pas sur l’esprit ? Dans ce cas, l’esprit ne contrôle plus la chair qui se met, en quelque sorte, en pilotage automatique. Ces embardées de la chair, c’est peut-être cela que saint Paul a voulu exprimer ?