J'ajoute qu'à mon sens l’Église et les conservateurs en général se fourvoient en refusant de prendre en compte les nouvelles données matérielles et en traitant la question avec les catégories intellectuelles et morales d'arrière grand-papa.
L'utilisation de la médecine pour maintenir en vie avec une assistance permanente et réifiante, et sans motif, des personnes qui auraient dû connaître la mort en toutes autres circonstances et y ont déjà laissé beaucoup d'elles-mêmes est un problème inédit. Refuser d'interrompre ce cirque dégueulasse au motif qu'on défend "la vie" (humaine), c'est jouer sur les mots et la réduire à ses seules facultés végétatives. Il est question d'une forme nouvelle de mort que Kant ou les papes ne pouvaient pas prévoir.
C'est l'accident et la maladie comme résidus du mal (l'imprévisible, l’incontrôlable, l'insouhaité, le négatif) que l'on cherche à conjurer par ce procédé du monde perçu comme royaume du bien et de l'innocence. Cette fuite en avant, cette débauche de moyens pour repousser au maximum une fin inéluctable, est le produit d'une société qui refuse catégoriquement de considérer une autre forme d'existence que terrestre et corporelle, et est terrifiée par ce qui lui rappelle que cette dernière n'est rien que provisoire. Moins par "amour" ou "charité" que parce que le malade est un champ de bataille pour le complexe rationel-technicien. Ou alors entendons ces deux notions comme rien de plus que des dégénérescences postchrétiennes, l'expression de la naïveté ontologique de l'humain posthistorique.