Budget : ce scénario dont personne ne parle et qui pourrait éviter la censure à Michel Barnier
DÉCRYPTAGE - Le premier ministre pourrait décider de ne pas dégainer le 49.3, laissant ainsi le texte être retoqué avant d’être promulgué par le biais d’ordonnances.
Et si c’était finalement cette carte que décidait de dégainer, à la dernière minute, le premier ministre ? Alors que le vote sur le budget de la Sécurité sociale doit avoir lieu ce lundi après-midi à l’Assemblée nationale et que le chef du gouvernement ne dispose pas de majorité pour le faire adopter, une autre option que celle du 49.3 pourrait bien permettre au premier ministre de se sauver. Du moins temporairement. Car si un passage en force par cet article décrié de la Constitution déclencherait immédiatement le dépôt d’une motion de censure par les oppositions et sa très probable adoption, au vu des dernières déclarations du RN, cette autre stratégie pourrait permettre au gouvernement de gagner du temps.
Elle consisterait à ne pas dégainer l’article 49.3 cet après-midi et laisser ainsi l’Assemblée s’exprimer et repousser le projet de loi gouvernemental, soit par l’adoption de la motion de rejet des socialistes, soit par le rejet pur et simple du texte. «À ce stade, c’est l’option privilégiée», évoque un poids lourd du cadre présidentiel. Une piste «fortement envisagée», confirment plusieurs sources à droite. Une stratégie qui changerait radicalement de celle évoquée jusqu’à présent, Michel Barnier ayant annoncé que le 49-3 serait «assurément» utilisé. Dans l’hypothèse où le texte serait rejeté, la motion de censure ne serait donc pour l’instant pas à l’ordre du jour pour les oppositions. Le projet de loi pourrait alors revenir au Palais Bourbon pour une nouvelle lecture dès mardi.
Une motion de censure «moins évidente»
Mais le temps serait alors trop court pour examiner tout le texte, le terme du délai fixé par la Constitution - au titre de l’article 47.1 - pour étudier le texte arrivant dès jeudi. Le gouvernement pourrait donc, dans la foulée décider de promulguer le texte par le biais d’ordonnances. Ce qui pourrait alors favoriser le dépôt par certaines oppositions d’une motion de censure. Des motions «spontanées» qui ne seraient donc pas «en réaction» à un 49.3. Les Insoumis ne s’en priveraient d’ailleurs probablement pas, eux qui possèdent encore une motion de censure «spontanée», contrairement à leurs alliés socialistes, qui en ont déjà fait usage - sans que celle-ci ne soit adoptée - juste après la nomination de Michel Barnier.
Cette motion de censure serait alors, dans les jours qui suivent, mise au vote. Et pourrait faire chuter le gouvernement Barnier. Sauf si le RN décidait de ne pas la voter. «Si le vote d’une motion après un 49.3 est évident, le vote d’une motion sèche l’est beaucoup moins», indiquait, la semaine dernière, au Figaro un proche de Marine Le Pen. Avant d’expliciter : «Ce serait beaucoup plus compliqué politiquement de l’expliquer à nos électeurs. D’autant que nous aurons déjà fait passer le message que nous ne sommes pas d’accord avec ce budget en retoquant le texte». La possibilité n’est toutefois pas sans risque.
Un nouveau texte pour un nouveau dialogue
Autre option pour le gouvernement : ne pas procéder immédiatement par ordonnances et ouvrir une nouvelle fois le dialogue. «Le gouvernement n’est pas obligé de procéder par ordonnances. Il peut ouvrir des voies de négociations, notamment avec le RN, en rediscutant du texte. Et redéposer un nouveau texte avec quelques amendements du RN», explique le constitutionnaliste Benjamin Morel. Une stratégie qui lui permettrait ainsi de gagner du temps. Et de montrer de nouveaux signes d’ouverture en prouvant qu’il ne souhaite pas passer «en force», ni par le 49.3, ni par le biais d’ordonnances.
Si d’aventure cet hypothétique plan fonctionnait, une méthode similaire pourrait alors être mise en place pour le projet de loi de finances d’ici la fin de l’année. Assez pour permettre au gouvernement Barnier d’être encore aux responsabilités au moment des fêtes ? Ce cadre du camp macroniste n’ose l’imaginer : «Le pari est fou mais c’est la moins mauvaise solution».