Désindexer retraites et allocations sociales… la piste explosive de la majorité pour faire des économies
DÉCRYPTAGE - Poussée par des députés, la mesure pourrait rapporter jusqu’à 20 milliards d’euros. Emmanuel Macron n’y est pour l’heure pas favorable.
Une année blanche pour équilibrer des comptes au rouge. Dans la majorité, plusieurs députés poussent l’idée d’un « arrangement » avec les mécanismes d’indexation sur l’inflation qui s’appliquent traditionnellement aux retraites, aux prestations sociales et au barème de l’impôt sur le revenu. Alors que le gouvernement doit trouver plus de 20 milliards d’euros d’économies à inscrire dans le budget 2025, ce genre de tour de passe-passe budgétaire avec le niveau des prix peut apparaître comme une manière simple pour le gouvernement de rééquilibrer les comptes. « C’est une méthode facile, pérenne et qui rapporte bien », résume François Ecalle, expert des finances publiques et directeur de Fipeco. Cette stratégie a d’ailleurs déjà été employée sous Emmanuel Macron, lors du précédent mandat.
En 2019, les retraites de base n’avaient été revalorisées que de 0,3% alors que l’inflation était plutôt autour de 1,3%, dégageant un gain financier pour les caisses de l’État d’environ 2,8 milliards d’euros. En utilisant le même procédé aujourd’hui, le gouvernement pourrait mécaniquement économiser une somme similaire. Alors que l’inflation s’établirait autour de 2,5% en 2024, « 1% de sous-indexation des retraites correspond environ à 3 milliards d’euros », confirme François Ecalle. Une solution tentante, donc, qui, selon certains, aurait été évoquée lors de la préparation du budget 2024 sous la justification habituelle, qu’en France, les retraités ont un meilleur niveau de vie que les actifs. L’idée avait finalement été écartée.
Mais, en février dernier en pleine tempête sur la situation budgétaire, le ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave, avait remis l’idée sur la table pour le budget de 2025 en se déclarant ouvert à un débat sur la désindexation des retraites. Une porte qu’Emmanuel Macron avait aussitôt refermée. « Il faut arrêter de sortir des mesures qui n’ont même pas été évoquées, sauf si vous voulez perdre les élections… », avait taclé le chef de l’État en Conseil des ministres.
«L’Élysée n’en veut pas»
Car si l’idée de désindexer les retraites peut apparaître simple d’un point de vue budgétaire, elle est explosive sur le plan politique, surtout pour une majorité qui compte électoralement beaucoup sur le vote des retraités. « Si le gouvernement s’oriente vers cette option, il ne pourra en tout cas pas le dire avant les européennes », analyse un initié. Au Parlement, en revanche, la parole est plus libre. Ainsi, le président du groupe Renaissance à l’Assemblée, Sylvain Maillard - soutenu discrètement par des poids lourds budgétaires de la majorité - est revenu à la charge, il y a quelques semaines, en proposant une « année blanche » lors d’un dîner à l’Élysée réunissant les dirigeants de la majorité.
L’idée de l’année blanche serait de ne pas indexer du tout, ni les pensions de retraite, ni les prestations sociales (APL, allocations familiales, etc.) pour une économie qui pourrait aller jusqu’à 20 milliards d’euros, selon les calculs avancés par le député. « Nous travaillons sur plusieurs pistes d’économies au sein des députés Renaissance - l’année blanche que je propose en est une », a-t-il assumé sur X (ex-Twitter) au début du mois dernier. Là encore, une telle mesure serait évidemment difficile à porter politiquement car « elle rognerait sur le pouvoir d’achat des plus fragiles », remarque un député. « Beaucoup de gens sauteraient en l’air », résume une autre source, y compris à Matignon et à l’Élysée. « L’Élysée n’en veut pas, l’Élysée n’en veut pas… Mais, il va falloir que l’Élysée nous explique à un moment donné comment faire les économies nécessaires », s’emporte à ce sujet un poids lourd de la majorité.
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