Je me souviens que, lors du référendum sur le TCE en 2005, certains élus ex-RPR avaient osé faire campagne pour un "oui gaulliste". Quelle imposture !
En fait, il y a une véritable propagande, de la part des européistes, destinée à faire croire que de Gaulle était un ardent partisan de la construction européenne, et que les évolutions de la construction européennes depuis la mort du général (vers davantage d'intégration européenne) se sont inscrites dans la continuité de son action politique. Il s'agit là d'une habile entreprise destinée à faire douter nos concitoyens inquiets de la tournure prise par la construction européenne et attachée à l'héritage du général de Gaulle. Cette propagande s'appuie notamment sur quelques citations du général de Gaulle, notamment "l'Europe de l'Atlantique à l'Oural", sauf que les propos du général sont totalement tronqués et détournés de leur contexte.
Car si on analyse avec précision la pensée politique et l'action du général de Gaulle, alors on s'aperçoit que les choses ne sont pas si simples.
Tout d'abord, rappelons que de Gaulle fut écarté du pouvoir entre 1946 et 1958, or c'est pendant cette période de 12 ans qu'eut lieu la Déclaration Schuman et que furent signés le Traité CECA (1951), le Traité Euratom et le Traité de Rome (1957). De Gaulle ne peut donc être associé à ces textes. Au contraire, ces traités furent négociés par des gens qui comptaient parmi les plus farouches adversaires du gaullisme : Jean Monnet, que de Gaulle accusa à juste titre d'être un agent de Washington, et Robert Schuman, qui eut beaucoup de chance d'être épargné par la Justice de son pays en 1945... Au cours de cette période, de Gaulle intervint également dans le débat politique pour faire capoter la CED, en 1954...
Certes, après son retour au pouvoir en 1958, il aurait pu dénoncer le Traité de Rome. Il ne l'a pas fait, pour deux raisons. Tout d'abord parce qu'à l'époque, le rapport de forces en Europe était plutôt favorable à la France (les deux autres puissances économiques qu'étaient l'Allemagne et l'Italie étaient politiquement affaiblies par leur défaite de 1945, les trois pays du Benelux étaient des nains démographiques). En outre, à cette époque, la priorité était de régler le préalable algérien, et pour cela, il avait besoin du MRP, qui était pro-européen. Il devait donc se ménager le soutien de ce parti.
Dès que le problème algérien fut écarté, de Gaulle s'empara de la question européenne, sans se soucier des états d'âme du MRP. Les accords d'Evian datent de mars 1962, et quelques semaines plus tard, les ministres MRP quittèrent le gouvernement, en désaccord avec la politique européenne menée. Par la suite, tous ses actes, tous ses discours, montrent clairement que de Gaulle, après avoir vainement tenté de faire de la France le pivot d'une Europe qui serait autre chose qu'un simple instrument au service des Etats-Unis (nos voisins européens entendaient rester sous la domination américaine), changea de stratégie et chercha à affranchir la France de la contrainte européenne, en jouant le jeu des alliances de revers avec d'autres pays du monde. On peut citer :
- la politique de la chaise vide,
- le retrait du commandement intégré de l'OTAN,
- la reconnaissance de la Chine,
- le discours de Mexico,
- le discours de Pnom-Penh,
- la mise au point de la bombe atomique française,
- le refus de voir les Britanniques intégrer la CEE,
- la conférence de presse du 14 décembre 1965 au cours de laquelle il moque les européistes qui sautent sur leur chaise comme un cabri en disant "l'Europe, l'Europe",
- les témoignages rapportés par Alain Peyrefitte.
Bref, présenter de Gaulle comme pro-européen, dire qu'il était d'accord avec la construction européenne et qu'il aurait approuvé les évolutions intervenues après lui, c'est une réécriture de l'Histoire, une supercherie, une escroquerie intellectuelle, de la désinformation pure et simple de la part d'européistes qui ne savent plus quoi inventer pour montrer aux Français que leur funeste dessein offrira de jolis horizons à notre pays.