Malouin
1- Qu'est-ce qu'un suicide ? L'acte par lequel un homme met fin à ses jours. Qu'est-ce qu'un meurtre ? L'acte par lequel un homme tue un autre homme. Qu'est-ce que le « suicide assisté » ? Une notion qui permet de justifier un meurtre si : 1- il est conforme à la volonté de la personne tuée ; 2- cette personne ne peut agir, seule. Comment le meurtrier peut-il savoir que son acte est conforme à la volonté de l'autre personne ? Selon le cas considéré, il le sait ou non, dans la mesure où il connaît la personne.
Sans le tabou en question : tuer un autre homme comme forcément mauvais, nomme-t-on cela « suicide assisté » ? Ne parlerait-on pas plutôt de : « meurtre par charité », en tant que par charité, sûrement utilitariste ou hédoniste, il y a des meurtres « justes » ou « bons » ?
2- L'euthanasie ne s'oppose pas à une philosophie utilitariste, ou qui prend le plaisir comme critère pour juger du bonheur d'une personne, tout en admettant que la recherche du bonheur, réduit au maximum de plaisir possible, est le but de l'existence.
Au contraire, l'euthanasie s'oppose au commandement : « tu ne tueras pas ». Du point de vue des sectes chrétiennes présentes dans notre cité, il n'y a pas plus de meurtre par charité possible que de suicide raisonnable, dans la mesure où la fin de l'existence est de réaliser son salut, que le chrétien pour ce faire veille à rester en état de grâce, et que le suicide comme le meurtre, même commis par charité, s'y opposent en tant qu'ils sont des péchés mortels. La notion de « suicide raisonnable » de mon précédent post était plus équivoque qu'il n'y paraît.
3- Si l'on considère la question du point de vue du politique ou du magistrat de la cité. 1- l'euthanasie est une exception portée au meurtre. Quels sont les risques qui en résultent, notamment le fait de considérer la volonté de mourir d'une « victime » ? 2- conformité de l'euthanasie à l'idéologie de la cité, en l'occurrence les droits de l'homme : les différents textes de notre bloc de constitutionnalité. Mais même considéré ainsi, il y a un gouffre entre suicide même raisonnable, et euthanasie, c'est-à-dire, un homme qui se constituerait comme le bras d'un autre, pour lui permettre de « se suicider »...
4- L'argument : les vies qui ne méritent pas d'être vécues, ou les vies dénuées de valeur, pourrait-il être utilisé dans notre cité, comme il a été utilisé par exemple par le Troisième Reich* ? Serait-il conforme aux droits de l'homme, idéologie de notre cité ? Difficile de le concilier avec la sûreté de la personne, qui empêche les arrestations arbitraires, j'imagine. Une propagande en faveur de l'euthanasie comme choix citoyen serait -elle conforme à nos droits de l'homme ? Possible, à examiner. Reste envisageable aussi que la cité dégénère en tyrannie, que les agents ou représentants du souverain : le "peuple", ou la "nation", ne gouvernent plus conformément à notre bien commun : le respect des droits fondamentaux.
Dans le cadre d'une cité utilitariste, le but du souverain est d'assurer le maximum de bonheur possible pour le plus grand nombre de citoyens. Ce « maximum » peut-il passer par le sacrifice ou la persécution des uns, ou d'une minorité, pour que les autres vivent mieux ? Possible, à examiner.
Note : pour le troisième Reich, il me semble qu'avait été utilisé l'argumentaire d'Alfred Hoche et de Karl Binding, dans le cadre d'Aktion T4. Cette étude de cas pourrait nourrir notre réflexion.