En octobre 1943, à 6 ans, j'entrais au cours préparatoire. Avant de nous décliner les voyelles, le maître chanta le refrain de "Maréchal nous voilà'" et nous demanda de le reprendre avec lui.
A la récréation, dans la cour, j'ai chanté ce refrain. Le maître s'approcha de moi :
- Ne chante pas ça mon petit, me dit-il. Dabs son maquis ton père serait mécontent. Je suis contraint de vous l'apprendre. Je ne suis pas libre. Ce maréchal est un méchant homme qui a a fait arrêter, en une seule journée, treize mille juifs français dont des centaines d'enfants pour les expédier en Allemagne. Nous ne savons pas ce que sont devenus ces braves gens. C'est une tâche sur notre drapeau';
Plus tard, nous sûmes ce qu'ils devinrent. Maréchal nous voilà protégea 76 000 juifs pour les livrer aux Allemands. Mon maître ajouta :
- Quand les générations futures auront oublié notre triste époque, ,si des canailles, pour provoquer et faire parler d'eux , raconte que ce Maréchal a protégé les juifs, ce sera une bonne chose. Protégé par la liberté d'expression ils pourra mentir sans trembles. Ce sera triste, car ils mépriseront les gens qui les écouteront
Mon maître a disparu. J'ignore pour qui il aurait voté. Je sais pour qui il n'aurais pas voté
