Beaucoup de sujets traités à l’époque sont d’actualité 50 ans après. Georges Pompidou est « le président oublié ». Mais d’après moi, il est le Chef d’État le plus compétent en économie de la Ve République. Sa pensée économique est un trésor inestimable pour comprendre la particularité française et pour élaborer les projets économiques. Il a fait le meilleur diagnostic sur la culture économique française :
« À vrai dire, c’est d’un changement d’esprit que nous avons besoin. […]
Depuis la fin de la guerre, des générations de fonctionnaires ont été formées dans l’esprit que l’intérêt général se confond non pas seulement avec la primauté de l’État – ce qui va de soi – mais avec l’interventionnisme étatique et la défiance à l’égard de l’entreprise privée, par nature égoïste, et dont la prospérité ne peut se bâtir qu’aux dépens de la collectivité ou aux dépens des travailleurs. Les Instituts d’études politiques, l’École nationale d’administration, l’Université dans son ensemble, ont contribué à entretenir cet état d’esprit. […]
Il est nécessaire que l’entreprise qui gagne de l’argent soit considérée pour ce qu’elle est : un élément de la richesse nationale et qu’il faut encourager. Le rôle de l’État est d’assurer le contexte général – stabilité monétaire, continuité de la politique financière, réglementation réduite au minimum et ne changeant pas à tout propos – dont les entreprises ont besoin pour se développer, c’est-à-dire pour investir, ce qui suppose non seulement des moyens financiers mais la possibilité de prévoir. Faute de quoi, on retrouverait la situation de la France à la veille de 1789 […]
Mais ce n’est pas seulement les gouvernements et les administrations qui doivent changer d’état d’esprit. Ce ne sont pas seulement les syndicats ouvriers qui, ainsi que je le disais précédemment, doivent admettre les réalités économiques et faire comprendre à leurs adhérents que leurs véritables intérêts dépendent de la prospérité de l’économie. Les chefs d’entreprise eux aussi, ou du moins beaucoup d’entre eux, doivent se pénétrer d’un esprit nouveau.
Tous réclament la liberté d’initiative et d’action. Ils ont raison. Mais cette liberté suppose l’acceptation du risque. Il faut l’assumer et ne pas compter sur l’État pour être protégé contre la concurrence lorsque celle-ci se révèle redoutable.
Il faut penser la concurrence à l’échelle internationale, voir grand, se préoccuper de conquérir des marchés et non simplement de défendre ceux que l’on détient. » - Georges Pompidou, Le nœud gordien, Perrin, 2019 (1974), pp. 119-121
Pour la relance, enrichir un écosystème entrepreneurial favorable à l’économie française est le premier pas. Nous avons trois priorités :
- Renforcer la sensibilisation au service des administrations
- Dédiaboliser les entrepreneurs et le capitalisme
- Faire bâtir un syndicalisme du gagnant-gagnant