1- Quelle est la source de "la bonne et antique morale" en France ? Le catholicisme. Qu'est-ce qui la corrompt ? les principes libéraux. L'enterrement civil est-il en accord avec la "bonne et antique morale" ? non. Chasser Dieu hors des écoles, des hôpitaux, des mairies... ? non. Le rétablissement du divorce en 1884, même s'il ne concerne que quelques milliers de personnes ? Non plus.
Toutes ces questions divisaient à l'époque de la lettre, en 1883, "les pères de famille" en fonction de l'instruction qu'ils avaient reçue, quand ils avaient été suffisamment instruits... Il y avait d'un côté la France fidèle au catholicisme, à sa morale qui n'est que conséquence de sa théologie, à ses moeurs qui ne sont que conséquence de cette dite morale ; et de l'autre, la France qui s'affirmait "laïque", fidèle aux acquis de 1789, et qui souhaitait changer cette dite morale.
Le terme "laïque" dérive de laïc : la séparation entre les fidèles d'un côté, et le clergé régulier et séculier. En fait, ce n'est jamais que la révolte des laïcs contre l'Eglise qui les encadre, ne plus être en minorité comme l'explique Kant dans son Qu'est-ce que les Lumières ? C'est le laïc qui soit devient apostat dans un premier temps, soit catholique - libéral au nom de l'affirmation de l'individu. Dans un second temps, ses descendants sont soit athées, soit libéraux - catholiques au point que l'on se demande ce qu'il reste de catholicisme en eux.
Le catholique pose la question suivante au "laïque" au XIXème : pourquoi s'affirmer laïque, et non apostat ? Pourquoi dire une école laïque ou neutre, et non une école apostate ? Pourquoi ne pas affirmer la vérité ? Pourquoi prendre un masque ? Qui aurait accepté parmi les français des années 1880 une école dite apostate ou athée, plutôt qu'une école dite "neutre" ou "laïque" ? Pourquoi est-il si important de "laïciser le corps enseignant" si l'école est "neutre" ? Quel est l'objectif non avoué de la gratuité de l'enseignement ? La conquête de la jeunesse, toute la jeunesse, surtout la catholique.
Comment ? Par le mensonge au simplet, au fidèle et parent sans instruction : celui qui ne peut voir le mal. Les principes de 89 ne se sont pas répandus par leur simple validité ou force de persuasion, mais par l'habileté d'une coterie qui savait qu'en maîtrisant l'instruction dispensée à la jeunesse, elle changerait le visage des français, à plus ou moins long terme. C'est à la fois une doctrine qui veut en chasser une autre, une tutelle sur l'enseignement qui en remplace une autre, et des serviteurs qui en remplacent d'autres pour prêcher la bonne doctrine, du moins en certaines matières, ajoutons-y cette nuance si vous voulez.
2- Toute éthique découle soit d'une théologie, soit d'une métaphysique. Elle n'en est que l'application. Il a fallu attendre certains modernes, les libéraux en l'occurrence, pour s'imaginer que la réalité en elle-même est neutre, que l'on peut s'épargner les questions métaphysiques, ne fonder qu'une science de la morale, à l'origine nommée "déontologie" par Bentham, que le principe choisi pour fonder cette dernière en était indépendant, qu'il suffisait "d'observer" sans se poser plus de questions. Je ne recommence pas mon laïus habituel sur l'action de l'intelligence face à une dite réalité, et ce qu'est la vérité.
J'ai bien peur que souvent l'observation dont il est question se limite aujourd'hui à celle de l'opinion des hommes, qu'il s'agit du fondement des principes que l'on tire, comme si l'opinion était forcément fruit d'une expérience sensible et que pour cette raison, si elle est partagée, c'est-à-dire majoritaire ou fait consensus, elle ne pouvait alors qu'être vraie, un peu comme si on traitait cela en "phénomène matériel ou sensible".
On omet ainsi que l'origine de certaines idées peut être artificielle, fruit de l'art des hommes, l'éducation ou instruction : qu'une idée peut être acquise autrement que par l'expérience, et qu'en raison d'une politique d'éducation ou d'instruction menée, peut être majoritaire ou faire consensus.
Ce n'est qu'une ébauche de critique : il me faut encore réfléchir à ce sujet.
3- Si l'on envisage l'évolution, par exemple, comme cause première et universelle, principe à partir duquel toute question s'explique, alors il faut comme Herbert Spencer tenter de fonder une éthique en conformité avec ce principe.