Le jeune homme ou la jeune femme, se consacrant à l’écriture, a oublié toutes les difficultés du cœur humain, toujours en conflit avec lui-même. cela seul produit la bonne écriture, cela seul en vaut la peine, la peine de l’agonie et des suées.
Il doit s’instruire de ces difficultés, réapprendre que la base de toute chose est d’avoir peur ; comprendre cela et l'oublier pour toujours, en laissant uniquement, dans son œuvre, de la place pour les vérités du cœur et ses savoirs anciens. Ces vérités universelles dont l’absence condamne une histoire à n’être qu’éphémère – l’amour, l’honneur, la pitié, la fierté et la compassion et le sacrifice. Jusqu’à ce qu’il y parvienne, il peinera sous le joug de la malédiction. Il écrit la luxure et non l’amour, les défaites où personne ne perd grand chose, les victoires sans espoir et, pire que tout, sans la pitié ni la compassion : son chagrin, alors, ne pleure pas sur l'universelle dépouille et ne laisse aucune cicatrice. Il n’écrit pas du cœur mais des glandes. Jusqu’à ce qu’il réapprenne ces choses, il écrira comme s’il assistait, au beau milieu, à la fin de l’homme.
Je refuse d’accepter la fin de l’homme. Il est possible d’affirmer que l’homme est immortel simplement parce qu’il endurera cela: car lorsque à la fin, de la plus ordinaire des pierres, se répercuteront les ultimes tintements, suspendus dans les dernières lueurs rougeâtres du crépuscule, il perdurera aussi une vibration - celle de sa voix indéfectible et chétive, parlant encore. Je refuse de l’accepter. L'homme, je crois, ne fera pas que le supporter, il l’emportera. Il est immortel, non parce qu’il est le seul, parmi toutes les créatures, à avoir une voix indéfectible, mais parce qu’il a une âme, un esprit capable de compassion, de sacrifice et d’endurance. Le devoir du poète, de l’écrivain, est d’écrire toutes ces choses. Son privilège est d’aider l’homme à endurer, en développant son cœur, en le nourrissant de courage, d’honneur, d’espoir, de fierté, de compassion, de pitié et de sacrifice, qui furent la gloire de son passé.
La voix du poète ne doit pas seulement être un témoignage, elle doit être pour l’homme l'un de ses étais, les piliers qui l’aideront à endurer et à vaincre.