La Cour de cassation a rendu mercredi 8 juillet un arrêt rendant possible la libération d’un prisonnier si ses conditions de détention sont jugées « indignes ».
Tout d’abord il faut savoir que cet arrêt de la Cour de cassation est une simple application de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), ce qui montre une fois encore que la France a perdu la maîtrise de sa politique pénitentiaire.
Ce sont des juges internationaux qui décident ce que la France a le droit de faire dans ses prisons.
Par ailleurs, ce que sont des conditions « indignes de détention » n’est pas défini dans la loi ou dans les traités. Ce sont les juges qui décident arbitrairement ce qui est indigne ou pas.
Actuellement par exemple, la CEDH estime que si, dans une prison, il y a moins de 5 mètres carrés par détenu, on peut présumer qu’on est en présence de conditions « indignes » de détention. Pourquoi 5 mètres carrés ? Pourquoi pas 6, pourquoi pas 4 ou 3 ? On ne sait pas. La Cour a décidé que c’était comme ça.
Vous voyez venir le problème : la France souffre depuis des décennies d’une dramatique sous-dotation carcérale. Le nombre de places de prison n’est absolument plus adapté à l’état de la délinquance.
Par conséquent, les maisons d’arrêts sont surpeuplées, avec des taux d’occupation qui peuvent atteindre 140% dans certains endroits.
Or désormais, qui dit surpopulation dit conditions « indignes » et qui dit conditions « indignes » dit possibilité de voir les détenus libérés.
Les lobbies laxistes, tous ceux qui sont par principe contre la prison ne s’y sont pas trompés.
Dès l’annonce de cet arrêt de la Cour de cassation, Adeline Hazan, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté et une ancienne du Syndicat de la Magistrature, s’est réjouie :
« Le gouvernement et le législateur ont intérêt à faire vite pour rendre les conditions de détention dignes. Sinon, ce sont des milliers d'actions en justice qui pourraient avoir lieu », a-t-elle dit.
Et au bout de ces milliers d’action en justice, il pourrait y avoir des milliers de libérations.
Vous avez bien lu : des milliers de libérations, non seulement de gens en détention provisoire mais aussi de condamnés. C’est désormais la menace qui pèse sur nous après cet arrêt de la Cour de cassation.
Bien sûr, pour faire face à la surpopulation carcérale, le bon sens commanderait de construire davantage de places de prison.
Mais le gouvernement n’a pas l’intention de faire preuve de bon sens, au contraire. Emmanuel Macron a totalement abandonné sa promesse de campagne de construire 15 000 places supplémentaires et, comme le révèle le Figaro « la construction de places de prison est à l’arrêt total. Seul, le centre pénitentiaire de Lutterbach, en Alsace, décidé par Jean-Jacques Urvoas, devrait ouvrir en 2021, soit un peu moins de 500 places. »
Et vous le savez, Nicole Belloubet avait même profité de l’épidémie de Covid pour faire baisser la population carcérale de plus de 13 500 détenus.
Avec l’arrêt de la Cour de cassation, le piège est en train de se refermer. Le gouvernement pourra prendre prétexte de cet arrêt pour rendre cette baisse permanente et pour demander aux tribunaux d’envoyer encore moins de délinquants en prison qu’aujourd’hui.
Les tenants de la culture de l’excuse se frottent les mains. Leur rêve de vider les prisons est en train de se réaliser.
Et pendant ce temps, à Bayonne, Philippe Monguillot est mort, tabassé pour avoir demandé à ses passagers de valider un ticket de bus.
Pendant ce temps, la gendarme Mélanie Lemée a été écrasée délibérément lors d’un contrôle routier.
Pendant ce temps, à Sarcelles, Thomas est mort après avoir reçu huit coups de couteau.
À chaque fois les meurtriers sont des hommes « bien connus des services de police ». C’est-à-dire des délinquants récidivistes que la justice française a été incapable de dissuader de recommencer. Jusqu’à ce qu’ils tuent.
Elle en a été incapable parce que depuis trop longtemps les crimes, même violents, sont punis de manière bien trop faible et bien trop tardive. Et trop souvent ne sont même pas punis.
Par exemple, au Croisic il y a quelques semaines, un cambrioleur a tabassé sa victime, un homme de 85 ans, avant de déféquer sur lui et de lui maculer la tête avec ses excréments.
Pour cet acte d’une violence ignoble et totalement gratuite, le cambrioleur a été condamné à… 18 mois de prison ferme. Alors même qu’il avait déjà été condamné à 19 reprises dont une pour assassinat !
Oui, vous avez bien lu, 18 mois. Autant dire que, d’ici un an sans doute, ce criminel multirécidiviste violent sera libre. Libre de recommencer.
Il y a quelques années, le délégué général de l’IPJ avait publié un livre qui s’intitulait « Quand la justice crée l’insécurité ».
Ce constat, hélas, est plus que jamais d’actualité. Et il pourrait même encore s’aggraver maintenant que la surpopulation carcérale justifiera de relâcher des délinquants dans la nature.
Nicole Belloubet a réussi l’exploit d’être pire que Christiane Taubira. Et son successeur, Maître Dupont-Moretti, a bien fait comprendre qu’il voulait marcher dans les pas de sa prédécesseur.
Nous sommes dos au mur. Alors plus que jamais nous allons nous battre. Parce que nous n’avons pas le choix. Et parce qu’il est hors de question de baisser les bras face à ceux qui sont prêts à laisser le champ libre à la délinquance.
Ne nous mentons pas, nous allons vivre des temps très difficiles où le droit des Français à vivre en sécurité sera piétiné régulièrement.
Mais l’Institut pour la Justice continuera inlassablement à alerter, à dénoncer, à mobiliser, à proposer. Nous ne vous abandonnerons pas. Et je suis convaincue qu’un jour nos idées finiront par l’emporter
Laurence Havel Institut pour la justice