Pour faire de l'histoire, encore faut-il comprendre l'objet que l'on se propose d'étudier, et les acteurs dont il est question : leurs motivations, la fonction qu'ils occupent, leurs idées...
Lorsque vous postulez que la religion ne concerne que l'individu, vous parlez en libéral : une société doit être athée ou "sécularisée" ; et la religion ne concerne que la conscience de l'individu. Vous écrivez alors sans même le savoir une histoire en libéral en matière de religion : à vous donc de prouver en quoi cette histoire est plus vraie qu'une autre.
Il n'existe pas d'histoire neutre qui convienne à tout le monde. Il y a interprétation par un homme de phénomènes historiques à partir de ce qu'il sait et de ce qu'il est. Il produit son histoire à partir de définitions, de postulats qu'il maîtrise ou non qui sont des jugements, des positions.
L'historien doit savoir quelle histoire il écrit, afin de ne pas perdre de vue que toute théorie est réduction, vérité partielle, que l'homme ne sait toujours qu'en partie ; qu'il ne s'imagine pas écrire une histoire neutre, symptôme qui révèle une grande ignorance : tel homme donné pense être l'homme universel, et écrire une histoire à partir de postulats reçus par toute l'humanité : de jugements en matière de vérité, ou de bien et de mal, qui sont universels.
J'incite tout homme à se connaître : à savoir ce qu'il reconnaît comme vrai et bien, et à être honnête, plutôt qu'à prétendre à l'objectivité, qui n'est jamais qu'une apparence, une attitude que l'on affecte qui nous livre à ce que l'on ne sait pas de nous-même. J'incite le libéral à se savoir libéral, à être prêt à reconnaître son libéralisme comme un bien, et à le défendre face à ses opposants : à être un homme plus honnête et accompli que l'âne qui prend ses convictions pour de l'objectivité.