cadmos
Cadmos, tu n’as jamais rien compris à la géopolitique du Moyen-Orient, il n’y avait pas de raison pour que cela eut changé cette fois-ci.
En réalité de quoi s’agit-il ? Trump est en difficulté dans sa campagne électorale. Il a besoin d’un fait qu’il soit possible de développer sur le plan international et qui aux yeux de son électorat lui attribue un rôle exceptionnel. Imposer un accord de paix entre Israël et les pays arabes, au moins avec l’un d’entre eux, en plus des deux qui l’ont déjà fait, l’Égypte et la Jordanie, est exactement ce qui plaira à ses électeurs principaux, les évangélistes protestants pro israéliens. Et depuis deux ans Trump fait miroiter à ses électeurs potentiels un plan de paix israélo-palestiniens, que ses prédécesseurs ont tenté d’obtenir depuis 50 ans. Il vba faire la paix au Moyen-orient.
Mais lui et Jared Kushner se sont heurtés aux deux incontournables propres aux palestiniens.
Le premier étant qu’à différentes reprises Israël était prêt à accorder aux palestiniens ce qu’ils demandaient, parfois même davantage, y compris le partage de Jérusalem. Mais ils n’ont pas voulu. Ou pas pu accepter, dixit Arafat himself. Au Raïs égyptien, accompagné de Mitterrand, qui après une journée de négociations au bord de la Mer Rouge avec le Premier Ministre israélien de l’époque lui demandait : Mais pourquoi n’acceptez-vous pas, puisqu’il vous offre plus que vous ne demandez, Arafat a répondu : « Si j’acceptais ce soir c’est moi qui serait pendu en rentrant à Ramallah». Verbatim de Mitterrand.
Le second incontournable étant que pour conclure un accord entre deux parties, il faut identifier les deux parties. Signer un accord avec l’Autorité palestinienne, c’est le signer avec un responsable actuel, Abou Mazen de son de terroriste quand il faisait sauter les bus scolaires, Mamhoud Abbas pour l’État civil, qui a conservé le pouvoir par la force de sa police depuis 15 ans que son mandat électif a pris fin, sans accepter d’organiser aucune élection. Donc en se maintenant illégalement. Et qu’une partie de ses gens attendent de les désavouer, et sont prêts à le faire à la première occasion et ne s’en cachent pas. Accord ou pas. Mamhoud Abbas ne représente légalement aucune organisation, aucun gouvernement, sa présence à son poste étant juridiquement illégale. Ses successeurs n’auraient aucune obligation juridique à respecter sa signature.
Mais ce qui est nettement plus grave, c’est que le Hamas qui occupe la bande de Gaza ne reconnaît pas l’Autorité palestinienne, et s’est déclaré moult fois ne pas être engagé par les décisions de l’Autorité Palestinienne. Et qu’en outre il est probable qu’il gagnera les élections le jour ou Abbas acceptera d’en laisser organiser. Et il annulera aussitôt tout accord signé avec Israël. La charte du Hamas et son programme sont exclusivement et officiellement de rayer Israël de la carte. Signer un accord avec l’Autorité palestinienne c’est ne le signer qu’avec la partie la plus « calme » de la Palestine. Pas avec les durs qui ne reconnaitraient pas cet accord.
Dilemme qui se pose à Trump, à Kushner et à Bibi : Comment parvenir dans ces conditions à signer un accord de paix ?
De son côté, Bibi ne vit sur le plan politique que grâce à son accord programmatique avec les religieux. Lesquels tiennent à une affirmation de la souveraineté d’Israël sur deux secteurs. D’une part sur les parties de la Judée Samarie peuplées d’implantations juives. D’autre part sur la Vallée du jourdain, pour des raisons principalement militaires. De même que Trump doit prouver à ses électeurs potentiels sa réussite internationale en imposant un accord de paix au Proche-Orient, de même Bibi doit prouver à ses religieux qu’il joue dans le même camp qu’eux. C’est-à-dire qu’il annexe, mais sans annexer tant que cela peut gêner Trump dans son élections. .
Il faut leur faire admettre aux religieux qu’une annexion de jure n’est pas possible immédiatement, parce qu’elle irait à l’encontre des souhaits de Trump qui verrait échouer sa présentation à ses électeurs de faiseur de miracles orientaux. Mais que ce n’était que partie remise. En attendant. D’où la formule utilisée par Bibi et Jared Kushner depuis le début. Il ne s’agit pas d’annexion mais de transfert de souveraineté. Ce qui passe bien plus facilement auprès de l’opinion publique populaire des commentateurs de café du commerce.
Mais aucun accord réel au Proche-Orient, aucune modification des équilibres régionaux, ne peut tenir s’il ne s’étend pas au-delà des alliés traditionnels des américains, les saoudiens. Et en dehors des égyptiens déjà en paix avec Jérusalem, le pays arabe le plus important est représenté par les Émirats.
C’est aux Émirats que Jared Kushner a consacré une bonne partie de son temps ces deux dernières années. Aidé en cette tâche par MBS, le prince saoudien, déjà allié de fait d’Israël. Mais dont l’on se garde pour le moment d’insister sur son accord total avec Israël et l’Amérique.
Alors, puisqu’il n’était pas possible de présenter un accord israélo-palestinien, mais qu’il fallait amener les opinions publiques à considérer qu’il s’agit quand même d’un acte exceptionnel pour la paix, Jared Kushner, appuyé par MBS le saoudien, est parvenu à monter avec le prince des Émirats ce grand coup de tonnerre. Trump tient sa réalisation exceptionnelle pour la paix. Son acte majeur pour la paix entre d’un côté Israël, et de l’autre non pas avec les palestiniens, mais avec le quasi ensemble du monde arabe. Ce qui est beaucoup mieux. Et aux yeux de son électorat il vient de supprimer le « Discours du Caire » d’Obama qui avait inversé les alliances américaines au Moyen-Orient, en faveur des Frères Musulmans, des chiites et des iraniens, aux dépens des saoudiens, alliés traditionnels des USA depuis le XVIII° siècle.
Et cette nouvelle alliance officielle entre Israël et la majorité du monde arabe, est aussi une victoire pour Bibi. Il n’a rien donné ni promis aux palestiniens, donc cela enfonce un peu plus la solution à deux états, construction intellectuelle fantaisiste découlant des accords d’Oslo, et qui de toute façon était une connerie irréalisable. Ce que tout le monde savait depuis le premier jour être irréalisable. À la grande satisfaction des religieux alliés de Bibi.
D’autant qu’en outre, tout le monde sait qu’en réalité après les élections américaines et à la première occasion, il sera officialisé discrètement le transfert de souveraineté entre Israël et les territoires pour lesquels cela est préparé. Sans vague. Et sans que cela ne change grand-chose formellement à la situation actuelle.
Cadmos, tu écris également : « La convergence entre Israël et les Emirats arabes unis brise le consensus arabe sur la Palestine ». Le consensus ?
Tu devrais peut-être suivre un peu l’actualité du Moyen-Orient si tu souhaites en parler. Quel consensus ? cela fait maintenant trois ans que la Ligue Arabe n’invite plus les palestiniens à ses réunions. Cela fait maintenant plus d’un an que chaque semaine un avion arabe de grande ligne, officiellement et juridiquement ennemi d’Israël à cause des palestiniens, se pose à Ben Gourion, à Tel-Aviv, et des avions d’El Al ou autres avions israéliens, se posent dans des pays arabes qui n’entretiennent pas de relations officielles avec Israël, théoriquement à cause des palestiniens. Que des journalistes arabes connus et des officiels arabes publient dans les journaux israéliens et des journalistes israéliens dans des journaux arabes. Cela fait au moins dix ans que l’armée de l’air israélienne dispose d’une base en Jordanie et presque autant d’une autre en Arabie Saoudite. Cela fait au moins cinq ou six ans que la surveillance physique, automatique et informatique du pèlerinage à la Mecque, sont assurées par des firmes israéliennes. Malgré la cause palestinienne. Remarque c’est cette même société qui protège le Festival de Cannes depuis au moins dix ans. Que c’est une firme israélienne célèbre maintenant pour quiconque suit l’actualité dans le monde entier, qui équipe tous les pays arabes à part l’Iran, avec ses matériels de sécurité et de surveillance. Trois ans que plusieurs sociétés israéliennes ont entrepris l’édification du « mur » électronique qui va isoler l’Arabie Saoudite de l’Iran. Et j’en alignerais dix pages. Tous ces pays étant des ennemis irréductibles d’Israël, et d’ailleurs officiellement en guerre avec Israël, à cause des palestiniens.
Ces derniers temps ce sont des avions israéliens qui ont livré à l’Arabie Saoudite le matériel pour soigner le virus, masques, respirateurs et autres. C’est dans les hôpitaux israéliens que sont soignés les dirigeants de pratiquement tous les pays arabes, et leurs familles, et même parfois des officiels iraniens. Qui d’ailleurs ne sont pas arabes mais perses, ce qui est sans importance. Pourrais-tu citer un acte ou un contrat qui n’ait pas été exécuté par un pays arabe à cause de la question palestinienne ?
Les palestiniens ont agité le monde musulman et le monde arabe à l’époque où les soviétiques ont créé le peuple palestinien et Arafat dans le cadre de la guerre froide. Et les roitelets des pays arabes se sont précipités sur la manne que représentait pour eux les fonds de l’ONU qu’ils récupéraient directement pour eux et leurs comptes suisses, sous prétexte de les percevoir pour les réfugiés palestiniens. Mais dans la majorité des pays arabes qui ont reçu ces réfugiés palestiniens, au Liban par exemple, les palestiniens ont toujours été, et sont toujours, traités en intrus par les libanais. Au Liban encore aujourd’hui, les palestiniens n’ont pas le droit de travailler, de s’installer, d’acheter une maison, d’exercer nombre de métiers, 60 ans après leur arrivée, ils ne peuvent travailler qu’au noir et en clandestins. Ils en sont à la troisième génération privée de droits par les états arabes. C’est la cause des palestiniens qui les tracasse ?
Non ! Maintenant les palestiniens emmerdent tous les pays arabes qui ne veulent plus en entendre parler. Si tu suis l’actualité, tu devrais savoir que la semaine dernière, pour la deuxième fois en quelques mois, devant les restrictions américaines et européennes en matière de dons, les palestiniens font la quête auprès du Qatar. Qui leur attribue plusieurs millions de dollar de don. Mais ne les libère pas. Pour la seconde fois c’est le patron du Mossad, le service secret israélien, qui est expédié chez le Cheikh du Qatar sur la demande de Bibi, pour obtenir la libération de ces fonds et les ramener aux palestiniens. Démarches tout à fait officielles, pas du tout secrètes. Dans des avions d’El Al.
Tu as dit : consensus arabe sur les palestiniens ?