Les liens entre le Mufti Haj Amin Al-Husseini, les Frères musulmans et l'Allemagne nazie ne furent pas seulement le résultat d'une alliance de circonstance, pour lutter contre leur ennemi commun, l'Angleterre. Ils traduisaient une profonde convergence idéologique et politique, dont témoignent de nombreuses déclarations. Certes, les Frères musulmans n'étaient pas les seuls à subir l'influence du fascisme et du nazisme, dans l'Egypte des années 1930-40. Mais ce sont les seuls à avoir établi une véritable alliance avec le Mufti pro-nazi Al-Husseini, fondée sur leur haine commune des Juifs. Les archives du haut commandement de l'armée allemande, capturées par les alliés, ont révélé que c'étaient les fonds mis à la disposition du Mufti par l'Allemagne nazie qui lui avaient permis d'organiser et de mener à bien la « révolte de Palestine » dans les années 1936-1939.
Le Mufti a développé une activité intense pendant la guerre, pour empêcher que des rescapés juifs ne parviennent en Palestine, alors même que les artisans de la Solution finale étaient prêts à sauver des enfants juifs, contre de l'argent ou contre des prisonniers de guerre. Contrairement à ce qui a parfois été soutenu, il ne fait aucun doute que le Mufti était parfaitement informé de la politique d'extermination des Juifs, et qu'il l'approuvait sans réserve. Ceci ressort notamment des relations suivies qu'il a entretenues avec plusieurs dirigeants nazis, parmi lesquels Heinrich Himmler, von Ribbentrop et Adolf Eichmann, pour lequel Al-Husseini éprouvait une admiration sans borne. Dans son journal intime, il qualifie ainsi ce dernier de « joyau intime » et de « plus grand ami des Arabes ».
Les contacts entre Al-Husseini et Eichmann sont apparus au grand jour lors du procès d'Eichmann, qui s'est tenu à Jérusalem en 1961. Lors de ce procès, le procureur général Gideon Hausner a produit des documents établissant que le Mufti avait été reçu au début 1942 par Adolf Eichmann, qui lui avait fait un exposé sur la « solution finale ». « Le Mufti fut si fortement impressionné qu'il demanda aussitôt à Himmler de désigner quelqu'un de l'équipe d'Eichmann en tant que son conseiller personnel, pour l'aider à "résoudre définitivement" la question juive en Palestine, une fois qu'il serait réinstallé dans ses fonctions par la victoire de l'Axe. Eichmann accepta cette offre ». Selon un témoin du procès de Nuremberg, le Mufti aurait même rendu visite personnellement à Adolf Eichmann à l'intérieur du camp d'extermination d'Auschwitz, et « incité les gardes faisant fonctionner les chambres à gaz à travailler avec plus d'ardeur ».
Selon toute logique, Al-Husseini aurait dû faire partie des dirigeants de l'Allemagne nazie et de leurs complices qui ont été jugés après la guerre et condamnés pour leurs crimes. Mais sa libération par la France et l'aide apportée par Hassan Al-Banna, guide suprême des Frères musulmans, lui ont permis d'échapper aux procès de l'après-guerre, et de poursuivre son activité politique jusqu'à sa mort en 1974. Cet épisode, loin d'être anecdotique, illustre la connivence idéologique entre les Frères musulmans et le Mufti de Jérusalem. La haine de l'Occident et des Juifs, portée à son paroxysme chez Al-Husseini, se retrouve notamment chez celui qui va devenir l'idéologue principal des Frères, et qui n'est encore en 1945 qu'un obscur écrivain : Sayyid Qutb.