L'essentiel de nos problèmes sont communs à tous les pays riches.
Désindustrialisation, déficit commercial, appauvrissement, endettement, sclérose économique, défiance vis-à-vis du voisin et des élus, délitement de la nation. Il y a peu d'exceptions (notamment l'Allemagne) et seulement sur quelques points.
L'état naturel d'un système économique est de devenir de plus en plus inefficace, jusqu'à ce que se produise une rupture telle qu'une guerre (causée par la sclérose du pays ou d'un voisin).
Cette sclérose se matérialise par une foule de petites accumulations de gras partout dans le système qui subsistent par inertie, et qui ne disparaissent que lorsque l'organisme est soumis à une période de disette (rupture).
Exemples :
- concentration horizontale ou verticale qui accroît les marges et réduit la compétition.
- utilisation de la propriété intellectuelle pour interdire les nouveaux entrants
- immobilier qui freine la mobilité géographique et sociale, et renchérit les frais d'installation des entreprises et les prix des produits
- privilèges des uns et des autres
- mutliplication des structures bureaucratiques dans le public et le privé
- capture du système éducatif pour assurer la reproduction sociale
En l'absence de croissance forte, les entreprises sont forcées de cannibaliser les consommateurs pour croître. Or plusieurs facteurs concourrent à affaiblir la croissance économique :
- faible croissance démographique due au mode de vie des pays riches (urbanisation, nomadisme)
- saturation des besoins matériels et substitution par de nouveaux besoins gourmands en main d'oeuvre non-automatisable (troisième âge, éducation, tourisme).
La mondialisation aboutit naturellement à la concentration de l'industrie dans quelques pays, tout comme elle se concentrait dans quelques départements quand les économies nationales étaient fermées.
Le marché européen a donc tout naturellement aboutit à la concentration de l'industrie dans le bassin rhénan, avec quelques pôles secondaires ici et là, comme par exemple la Pologne (ancien coeur industriel de l'URSS + main d'oeuvre bon marché).
Pendant ce temps le reste de l'industrie se concentre en Chine, le secteur IT et les médias et divertissements en Californie, la finance mondiale à New-York (avec quelques pôles secondaires à Chicago, Londres, Singapour).
De moins en moins de pays gagnants, de plus en plus de perdants. Et au sein de ces pays de moins en moins d'individus gagnants, de plus en plus de perdants. Concentration, concentration, concentration.
L'eurozone est aujourd'hui l'homme malade de l'économie mondiale, qui tire celle-ci vers le fond.
L'euro a renchérit le coût de notre main d'oeuvre de 40% à l'exportation entre 2000 et 2005, alors comment prétendre que ce ne serait pas important ?! En comparaison toutes les réformes de Macron n'affectent son coût que de 0,2% !
Vu nos économies actuelles l'Allemagne devait avoir un mark plus fort et la France un franc plus faible. En imposant une même monnaie les perdants subventionnent les exportations des gagnants (Allemagne, Pays-Bas).
Pire : l'euro a favorisé la fluidité du marché et donc la concentration industrielle. Ce qui a fragilisé l'économie de la France, de l'Italie, de la Belgique, du Royaume-Uni (touché par la concentration). L'Espagne aussi mais cela a été compensé pour elle par le fait qu'elle rattrape son retard.
Entre 1970 et 2000 la France a eu une balance commerciale stable et plutôt excédentaire. Mais depuis l'entrée de l'euro, le solde des membres de l'eurozone n'a cessé de dégringoler, sauf l'Allemagne et les Pays-Bas (et Luxembourg la capitale du blanchiment). Ce sont des vases communicants.
Face à la sclérose de leurs économies, les pays riches ont retardé la récession prolongée à venir en imprimant des billets, ce qui a pour l'instant créé un peu de dynamisme économique, principalement dans le marché immobilier.
Evidemment cela s'accompagne d'une croissance de la sclérose, des inégalités (cannibalisation des consommateurs), et des instabilités (le système ne tient que tant que des acteurs domestiques s'endettent et que les acteurs étrangers ne trouvent rien de moins dangereux que l'euro ou le dollar).
Le délitement des nations est dû à :
- immigration de masse (perte de sens du "nous", repli sur soi, désengagement de la vie civile, défiance)
- concentration de la richesse en zones urbaines sous l'effet de la désindustrialisation (écart économique croissant créant un clivage culturel et identitaire)
- mondialisation culturelle qui sape les identités nationales et crée des élites déracinées
- mondialisation économique qui rend impuissant le pouvoir politique et stérilise donc la démocratie.
En somme il y a à la fois un problème cyclique (croissance - sclérose - rupture) et le passage de systèmes nationaux à un système mondial. Une transition civilisationelle, économique et politique très chaotique (guerres, misère) qui, si elle n'est pas stoppée, transformera profondément l'humanité et sacrifiera les peuples et cultures européens.
Entre ça, les crises environnementales et la fin à venir du travail, l'humanité va connaître une rupture d'importance comparable à celle des Lumières. Pas sûr toutefois que celle-ci soit aussi positive.