Les djihadistes revendiquent rarement leur appartenance et leur engagement: ils cherchent à minimiser les actes commis en Syrie, et notamment leur participation aux combats. Ils disent être partis faire de l’humanitaire, ou avoir été cuisiniers ou infirmiers. L’objectif est, grâce à une très bonne connaissance du système judiciaire occidental, d’être condamné à la peine la moins lourde possible. Cette défense de dissimulation, comparable à celle des délinquants de droit commun, est d’autant plus aisée à mettre en œuvre que la justice antiterroriste doit faire face à un réel problème probatoire: les actes qui sont jugés ici ont été commis dans une zone où aucune enquête de police n’est possible. La justice doit se prononcer sur la base de nombreux éléments indirects. Se pose la difficulté de la judiciarisation du renseignement: souvent, les éléments les plus à charge contre les accusés ne figurent pas au dossier, car il s’agit de notes de renseignement français ou de partenaires étrangers qui demeurent confidentielles et dont les juges n’ont pas connaissance.
Les magistrats prennent trop souvent pour argent comptant les expressions de repentir exprimées à la barre par les prévenus - et dont l’authenticité est souvent plus que douteuse. Tout l’intérêt d’une cour d’assises spéciale est pourtant de réunir des juges qui ont une longue expérience de ces dossiers, du contexte, et qui ont l’habitude de faire face à ce genre d’individus. Ils connaissent la culture et les réflexes: on attend donc d’eux un discernement face aux postures récurrentes que leur préparent les accusés. C’est ce que ne cessent de me répéter, depuis la décision rendue mardi, les spécialistes avec qui j’ai discuté. Tous m’ont dit leur stupéfaction et même leur découragement face à une telle décision.
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/les-peines-de-prison-trop-legeres-pour-certains-djihadistes-sont-inquietantes-20200228