Dissensions et controverses
Devant le nombre croissant d'hommes développant leurs propres centres d'intérêt, les femmes du FHAR font scission et forment le groupe des Gouines rouges3, pour lutter davantage contre le sexisme et la phallocratie.
D'autres groupes se singularisent : les Gazolines, les journaux Fléau social (par le Groupe 5 du FHAR en mai 1972, se réclamant de l'Internationale situationniste et finissant par quitter la lutte politique3) et Antinorm6 (par le Groupe 11 du FAHR, continuant à prôner le rapprochement avec des partis d'extrême gauche3). Ils publient encore un Rapport contre la normalité en 1971 et un épais numéro spécial de la revue Recherches dirigée par Félix Guattari en 19737.
Bien que tous ces groupes se reconnaissent dans les slogans du FHAR (« Prolétaires de tous les pays, caressez-vous ! », « Lesbiennes et pédés, arrêtons de raser les murs ! ») et la lutte contre les « hétéro-flics8 », ils s'éloignent les uns des autres.
Face à la stratégie de provocation des travestis des Gazolines (risquant ainsi de se couper davantage du mouvement ouvrier), Guy Hocquenghem, défenseur d'un militantisme politique plus traditionnel, quitte en juillet 1972 ces « pédérastes incompréhensibles ». Dans la revue Partisans, il écrit : « On nous a emprisonnés dans le jeu de la honte, que nous avons transformé en jeu de la fierté. Ce n'est jamais que dorer les barreaux de notre cage »3.
Le FHAR va par ailleurs jusqu'à défendre la pédophilie : en 1975, le sexologue Gérard Zwang, qui avait exprimé son hostilité personnelle à la pédophilie, fait l'objet d'une « haine agissante » de la part de militants du FHAR. En 1975, ceux-ci empêchent la Société française de sexologie clinique, créée par Zwang, de siéger à l'université de Vincennes9.
Déclin et postérité
De plus, des membres du groupe commencent à le quitter : Daniel Guérin à cause des outrances des Gazolines lors de l'enterrement de Pierre Overney, un militant maoïste tué par un vigile en 1972, mais aussi Françoise d'Eaubonne, qui n'y voit plus (avec raison10) qu'un lieu de drague.
La police interdit les réunions à l'école des Beaux-Arts en février 1974, et le FHAR abandonne ses actions spectaculaires.
Il disparaît ce mois-là3.
Le FHAR a cependant des héritiers, comme les Groupes de libération homosexuelle (GLH) à Paris et en province (dont le GLH-PQ (Politique et Quotidien)), voire les groupes Sexpol. Ses revendications, bien différentes de l'appel à la tolérance sociale et à la discrétion des homosexuels du mouvement national Arcadie, se retrouvent à travers les associations homosexuelles des années 1970, comme les Universités d’été euroméditerranéennes des homosexualités et le Comité d'urgence anti-répression homosexuelle en 1979, ou le magazine Le Gai Pied.
En 1977, le PCF créé une commission homosexualité au sein du Comité d’études et de recherche marxistes (CERM) et la LCR une commission nationale sur l'homosexualité (CNH). La question des mœurs demeure cependant rigide : en 2011, dans le magazine Manière de voir, Benoît Bréville note que cela se lit dans un contexte où « l'intégration politique des militants homosexuels se heurte aux traditions de l'extrême gauche, qui valorise une identité ouvrière à la fois masculine, productiviste et hétérosexuelle »3.
La radicalité du mouvement et son côté très politisé à gauche ont aussi été repris par le mouvement LGBT des années 1990, inspirant en partie le courant queer aux États-Unis et en France11.
Chronologie
1971 : des femmes d'Arcadie, parmi lesquelles Françoise d'Eaubonne contactent le Mouvement de libération des femmes (MLF), qui offre le premier cadre de leurs réunions12.
5 mars 1971 : un « commando saucisson » interrompt le meeting à la Mutualité de « Laissez-les vivre » et le professeur Lejeune12,13.
10 mars 1971 : Menie Grégoire doit suspendre l'émission qu'elle consacrait sur Radio Luxembourg à « Ce douloureux problème, l'homosexualité »12,13 car elle a été perturbée par des activitistes du Front homosexuel d'action révolutionnaire, créé le soir même, suite à l’émission.
5 avril 1971 : Manifeste des 343, sur le droit à l'avortement.
23 avril 1971 : le Front homosexuel d'action révolutionnaire publie un ensemble d’articles engagés, coordonnés par Guy Hocquenghem dans le journal maoïste Tout !, dont Jean-Paul Sartre est le directeur