Comment s’est déroulée l’intervention policière qui a mené à la chute de plusieurs personnes dans la Loire, le soir de la Fête de la musique sur le quai Wilson, à Nantes ? C’est à cette question que deux enquêtes doivent répondre. L’une administrative, menée par l’Inspection générale de la police nationale, l’autre par le Défenseur des droits. Libération révèle de nouveaux témoignages et des vidéos inédites de cette intervention. Il s’agit de fichiers originaux, qui permettent d’en exploiter les métadonnées, et donc de les horodater à la seconde près. Les images montrent une scène confuse et un usage constant de lacrymos par les policiers, et ce durant une vingtaine de minutes. Pendant tout ce temps, des personnes les alertent de la proximité avec la Loire puis, très vite, du fait qu’il y a eu des chutes de plusieurs fêtards dans l’eau. On voit également les forces de l’ordre utiliser des grenades de désencerclement, leurs matraques, ainsi qu’un Taser. L’avancée des policiers, en ligne, à partir de 4h31, casqués et armés, ne laisse pas de place au doute : contrairement à ce qui est affirmé depuis par les autorités - elles auraient répliqué à des jets de projectiles -, il s’agit bien d’une charge préparée, qui a pour but de disperser le rassemblement festif.
A plusieurs reprises, des personnes crient «y a des mecs à l’eau», «y a des mecs dans la Loire». La charge a débuté depuis à peine deux minutes. Malgré ces avertissements, de nouvelles lacrymos sont tirées en direction de la route, mais aussi de la Loire. «Il va y avoir un drame, arrêtez», plaide un jeune auprès des policiers.
Durant plus de vingt et une minutes, les policiers ont donc utilisé continuellement des grenades lacrymogènes en direction du fleuve. Pourtant, les autorités ont été averties dès le début de la charge du risque encouru, puis du fait que des personnes étaient tombées à l’eau. Ces informations sont-elles remontées à la salle de commandement ? Le préfet ou, à défaut, son directeur de cabinet ont-ils suivi l’opération ? Ont-ils ordonné l’usage de gaz lacrymogène en grande quantité ? Ont-ils approuvé le recours au Taser, aux grenades de désencerclement, au LBD40 (dont l’emploi a été officiellement reconnu) ? Malgré nos relances, le préfet de Loire-Atlantique, Claude d’Harcourt, a refusé de répondre à nos sollicitations. Ces questions sont pourtant essentielles, pour saisir comment Steve Caniço, 24 ans, a pu disparaître le soir de Fête de la musique.