Le coup de gueule de Gaspard Koenig suite au Brexit
Je hais les nations, épiphénomène sanglant de l'histoire humaine, et méprise les nationalistes.
Qui se réjouit du Brexit ? Le quarteron des blonds platines : Boris Johnson, Donald Trump, Marine Le Pen, Geert Wilders. Oui à la démocratie, non au « peuple », fiction de romancier.
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Réponse de Pierre-Henri d'Argenson
Les Britanniques quittent l'Union européenne, Gaspard Koenig fait ses valises et Londres retient ses larmes. Cher Gaspard, tu as un grand mérite, c'est de nous montrer le vrai visage de l'idéologie que tu incarnes: celle de la révolte des élites contre ce peuple si peu enclin à se laisser faire.
L'Histoire est ironique. Ironique parce que les eurolâtres que j'ai cotoyés toutes ces années n'avaient jamais de mots assez durs contre cette Grande-Bretagne indécrotablement eurosceptique, qui n'aurait jamais dû être admise dans le club, et sans qui l'Europe serait déjà tellement plus intégrée. Maintenant qu'Albion prend le large, les voici qui se lamentent comme des pleureuses de la Grèce antique!
Ironique parce que les pères spirituels de l'Europe que les Anglais viennent de quitter ne sont pas tant Jean Monnet et Robert Schuman qu'Adam Smith et Ricardo, apôtres du marché et du libre-échange, devenus l'alpha et l'oméga du crédo européen. Mieux vaut tard que jamais, les Anglais ont tué leurs pères, cela force le respect.
Ironique, car le Brexit n'était, definitely, pas dans le script. Quand David Cameron s'est engagé dans cette aventure référendaire, ni lui, ni aucun des maîtres du monde n'ont cru une seule seconde que le peuple anglais oserait jouer un rôle autre que celui qui avait été écrit pour lui. Français, Hollandais, Irlandais avaient bien tenté de modifier le scénario, sans le moindre succès. Messieurs les Anglais, quittez les premiers!
Ironique enfin, parce que de tous les Etats-Membres de l'Union européenne, la Grande-Bretagne était celui qui avait, objectivement, le moins intérêt à partir. Elle ne subissait ni l'euro, ni l'espace Schengen. Elle bénéficiait de nombreuses dérogations aux règles européennes dans les domaines les plus sensibles. Elle disposait des diplomates et fonctionnaires européens les plus capables en matière de politique d'influence et de manipulation des institutions européennes à leur profit. Leur langue y était devenue hégémonique. Règlements et directives étaient on ne peut plus favorables à la City et aux services, points forts de l'économie britannique. Et, last but not least, les traités de commerce négociés par la commission européenne l'avaient été sous leur dictée. The Devil, pourquoi donc sont-ils partis? Peut-être pour une fois dans leur histoire (soyons vilains), pour quelque chose qui n'était pas quantifiable, qui n'était pas monétisable, qui n'était pas utile, au grand «damn» de Jeremy Bentham: retrouver, comme tu le dis si bien, la souveraineté sur soi-même.
Cette joie simple, aristotélicienne, profondément humaine, de décider de ce qui nous rend libres et heureux, même si l'on doit y perdre tout son argent.
D'une certaine manière, je te comprends, toi et les autres toi qui déplorent le Brexit, qui rêvent d'un monde ouvert et sans conflits, sans drapeaux, ni frontières, où l'on ne discuterait plus que du prix de ses désirs sur le marché global. Je ne me sens pas spécialement «nationaliste», mais je suis absolument sûr d'une chose: les plus grands arbres ont des racines. Les plus belles maisons ont des fondations. Et tout oiseau, aussi haut vole-t-il, doit un jour se poser, choisir le lieu où il fera son nid, et, que cela lui plaise ou non, tenter d'en faire le plus bel endroit du monde. Où donc te poseras-tu, mon cher Gaspard?
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Pierre-Henri d'Argenson est haut-fonctionnaire, titulaire d'un master de politique européenne (London School of Economics), fin connaisseur des affaires européennes et ancien maître de conférences à Sciences Po Paris en Questions internationales.
***Comme déjà dit il y a suffisamment de sujet sur le brexit, carton pour que cela soit mieux compris***F2M