Tout cela est très rigolo et j'adore rigoler avec les rigolos, sans avoir besoin de voir leur face ni leur photo de famille.
Mais remettons-nous donc au boulot, le mien étant maintenant d'indiquer l'interprétation (de l'obsession névrotique du non diplome) que j'ai appelée "haute".
La "basse", c'était Soral méprisant l'autorité, mais d'où il résulte que l'horizontalité, c'est bien gentil, mais c'est aussi la jalousie. Il y a un ou deux sous-aspects là-dedans mais on verra plus tard. (Il y a la violence, par exemple, mais bon, on reverra ça).
La version haute est la suivante : ce qui est très fâcheux, dans le diplôme (certificat, licence, agreg, doctorat, ce que vous voulez) c'est que c'est pour tout le monde. N'importe qui peut l'avoir. Par exemple des femmes, ou des Juifs. Donc on vous compare, pour vous prendre ou vous jeter, à n'importe quoi, jusques et y compris des femmes et des Juifs.
Mais quelle valeur pouvez-vous donner vous-même à un titre quelconque, s'il peut être donné aussi bien à une femme ou à un Juif ? Et même préférentiellement (quand il y a classement, comme à l'agreg, à l'ENA, etc. ) à une femme ou un Juif ?
Aucune valeur, naturellement.
Le dédain soralien pour le diplome, c'est d'abord la dégoûtation devant un objet qui a pu être touché par une femme ou par un Juif.
Dans une lettre à Gallimard, Céline explique que Prout (sic) c'est très bien, mais qu'il a le défaut de ne pas écrire en français. C'est bien, ce qu'il écrit, c'est un talent indéniable - Céline explique qu'il a un style et que c'est tout à fait rarissime - , mais il n'écrit pas en français.
Ca peut avoir l'air d'être du français (ici, je sors de ce qu'il dit explicitement, ce n'est plus Céline mais moi qui parle), mais ça n'en est pas. C'est juste un gothique tarabiscoté (une formule comme ça, je ne garantis pas l'exactitude totale).
Sa langue, où est-ce que "Prout" la trouve ? Dans sa tête, c'est une langue apprise, artificielle, il la parle avec brio, mais un peu comme votre cousin irlandais qui a bossé le français et peut vous sortir de très belles formules, mais des choses apprises, on sent que ça vient de sa tête, pas de son coeur.
Céline dit cela parce que dans son esprit "Prout" est Juif, et un Juif ne peut pas parler français, ou alors uniquement dans une langue apprise, travaillée à coup d'études, d'apprentissages, pas comme un vrai Français.
Dans un même état d'esprit, Barrès disait qu'un Juif ne saurait comprendre un vers de Racine comme :
Dans l'orient désert quel devînt mon ennui
(diérèse sur "orient").
Il peut être agrégé de grammaire, le mec, et moi un pauvre cheminot qui fais trois fautes par phrase, mais le Juif ne possédera jamais la langue française. Mes fautes sont dans le génie de la langue et ses exactitudes des artificialités. Ca ne vient pas des tripes, ce qu'il sait.
A mon avis, le mépris du diplôme soralien s'appuise à cette source. Béachèle peut bien être agrégé de philo s'il veut, il ne parle pas sa langue. C'est des traductions savantes du polonais. L'éducation en général, qui, en France du moins, répute l'égalité de tous et la discrimination au savoir et à la connaissance, est une tromperie. L'éducation, qui fait qu'un être peut être transformé, devenir un autre que lui-même, ça pue à son nez d'identitaire pour lequel les êtres ne sont jamais autre chose que ce qu'ils sont, quoi qu'ils apprennent.
Passer l'agreg ou un doctorat - exercice dans lequel il se fera mettre la pile par des femmes et par des Juifs, par des ppdés, mais aussi beaucoup d'autres, mais il s'interroge moins là-dessus - c'est comme une sorte de refus de l'identité.