Les États américains sont désormais privés de la dernière source disponible de substances légales pour réaliser des injections létales. Le géant pharmaceutique Pfizer a en effet annoncé qu'il interdirait désormais l'utilisation de ses produits pour des exécutions. «Pfizer fabrique ses produits pour améliorer et sauver la vie des patients. Conformément à ces valeurs, Pfizer s'oppose à l'utilisation de ses produits dans des injections létales pour la peine capitale», a annoncé le groupe dans un communiqué.
Les opposants à la peine de mort ont salué cette annonce du groupe qui rejoint ainsi quelque 25 autres entreprises du secteur pharmaceutique. Concrètement, Pfizer explique que la distribution de sept produits sera limitée à un groupe de distributeurs et d'acheteurs qui s'engageront à ne pas les revendre à des institutions pénales.
Le refus croissant du secteur de fournir ces «médicaments de la mort» a provoqué une pénurie pour les 31 États américains qui pratiquent la peine de mort. Ce qui explique en partie pourquoi le nombre d'exécutions a baissé ces dernières années aux États-Unis: en 2015, 28 détenus ont été exécutés, soit le nombre le plus bas depuis 1991. Quatorze exécutions ont eu lieu jusqu'à présent en 2016, dont six au Texas.
Chambre à gaz et peloton d'exécution
Pour élaborer un cocktail létal, une prison a généralement besoin de réunir trois substances, l'une endormant le prisonnier, l'autre paralysant ses muscles et la troisième arrêtant son cœur. Rassembler ces produits en un protocole efficace et juridiquement inattaquable est un vrai casse-tête pour les États américains.
Contraints de changer de protocoles et de se fournir ailleurs en raison de la pénurie, certains États ont mené des exécutions très critiquées, car transformées en de longues et insoutenables agonies. En janvier 2014, dans l'Ohio (Nord), Dennis McGuire, exécuté avec un mélange médicamenteux qui n'avait jamais été testé, a suffoqué pendant environ 25 minutes avant que sa mort ne soit prononcée. C'était, selon les journalistes présents, la plus longue exécution depuis que l'Ohio a rétabli la peine capitale en 1999. Lors de cette exécution, certains produits utilisés provenaient de la marque Hospira... Un groupe racheté par Pfizer l'an dernier, rappelle le New York Times. En 2014 toujours, Joseph Wood, coupable du meurtre de son ancienne petite amie et du père de celle-ci, a mis plus de 90 moinutes à rendre son dernier soupir.
Face à ces scandales - et plutôt que de remettre en cause le principe même de la peine capitale - la majorité des États tentent de garantir l'anonymat aux «pharmacies» prêtes à les approvisionner... Quitte à se tourner vers des préparateurs non homologués par la FDA (les autorités sanitaires américaines) ou vers des circuits clandestins à l'étranger, en violation de la loi fédérale. Ils en appellent à la confidentialité au nom de la «sécurité» du fournisseur, qui risquerait des représailles de la part des opposants à la peine capitale. Mais comme le suggère dans le New York Times Robert Dunham, directeur du Centre d'information sur la peine capitale, «le secret ne vise pas à protéger les fabricants, il est conçu pour garder les fabricants dans l'ignorance de la mauvaise utilisation qui est faite de leurs produits».
Certains États ententent contourner la pénurie en se tournant vers d'autres moyens d'exécution. L'an dernier, l'Oklahoma a été le premier à autoriser de faire inhaler au condamné de l'azote sans oxygène comme méthode d'exécution si les substances servant à réaliser les injections létales manquent. De son côté, l'Utah a rétabli officiellement les pelotons d'exécution dans le cas aussi où l'injection serait impossible.
(Avec AFP)
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