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Maladies auto-immunes: une vieille énigme pratiquement résolue
09 mai 2016
Pourquoi les femmes sont-elles plus susceptibles que les hommes aux maladies auto-immunes?
Une équipe de l'Inserm vient de publier une explication. Les œstrogènes, hormones sexuelles féminines, joueraient un rôle prépondérant dans ce phénomène.
Les maladies auto-immunes, comme par exemple la sclérose en plaque, l’arthrite rhumatoïde, la thyroïdite, le lupus ou la myasthénie, résultent d'un dysfonctionnement du système immunitaire qui va alors s'attaquer à l'organisme lui-même. Pour des raisons inconnues jusqu'à présent, les femmes sont plus susceptibles que les hommes d'en être victimes. Au Centre de recherche en myologie* (hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), une équipe Inserm spécialisée dans la myasthénie a voulu savoir pourquoi. "Nous nous sommes intéressés au thymus, l'organe central de la tolérance du soi. Il est d'ailleurs impliqué dans la myasthénie" explique Sonia Berrih-Aknin, qui dirige cette équipe.
C'est en effet dans le thymus que les lymphocytes T, les cellules du système immunitaire qui détruisent les intrus, apprennent à reconnaître le soi pour ne pas l'attaquer. Plus précisément, c'est là que ces lymphocytes sont exposés aux antigènes spécifiques des tissus (TSA), ces molécules qui marquent l'identité des cellules de l'organisme. A l’issue de cet apprentissage, ne sont conservés que les lymphocytes qui ne se lient pas aux antigènes du soi.
Une démonstration complète
Expression de AIRE dans le thymus humain - L' expression de AIRE (marquage vert) est limitée aux noyaux de certaines cellules épithéliales thymiques (marquage rouge par un anticorps anti-kératine). Le marquage par l'anticorps AIRE montre des corps nucléaires (points verts). Ce marquage est très représentatif de l'expression de AIRE. © Inserm, Sonia Berrih-Aknin et Jacky Bismuth
© Inserm, Sonia Berrih-Aknin et Jacky Bismuth
Expression de AIRE dans le thymus humain - L' expression de AIRE (marquage vert) est limitée aux noyaux de certaines cellules épithéliales thymiques (marquage rouge par un anticorps anti-kératine). Le marquage par l'anticorps AIRE montre des corps nucléaires (points verts). Ce marquage est très représentatif de l'expression de AIRE.
Dans un premier temps, l'équipe a étudié le transcriptome de cellules de thymus d'hommes et de femmes de même âge, autrement dit la totalité des ARN présents dans ces cellules, pour savoir quels gènes y sont actifs et à quel degré. "Nous avons trouvé des différences dans l’expression des TSA entre les sexes et, de fil en aiguille, nous en sommes arrivés à AIRE" se souvient la chercheuse. La protéine AIRE (pour AutoImmune REgulator) joue un rôle clé dans l'éducation des lymphocytes puisqu'elle module le taux de TSA exprimé dans le thymus. Or l'analyse moléculaire et cellulaire thymique a révélé qu'à partir de l'adolescence, les jeunes filles et les femmes ont moins d'AIRE que les hommes. Il en va de même chez les souris.
A partir de là, Nadine Dragin et ses collègues ont analysé les rapports entre le genre, les hormones et l’expression de la protéine AIRE dans des cultures de cellules humaines, ainsi que dans des modèles murins. Ils ont ainsi montré que les œstrogènes, hormones sexuelles femelles, induisent une baisse de l'expression d'AIRE dans des cellules thymiques humaines ou murines. Par quel mécanisme? L'équipe a également exploré cet aspect et découvert que les œstrogènes agissent sur le promoteur du gène d'AIRE, en augmentant le taux de méthylation de l'ADN qui le constitue.
Enfin, l'équipe a démontré dans le modèle murin de la thyroïdite auto-immune qu'une diminution d'AIRE augmente la susceptibilité à cette maladie. "Le lien entre AIRE et la susceptibilité aux maladies auto-immunes était certes déjà connu, mais il fallait le démontrer dans nos modèles" souligne Sonia Berrih-Aknin.