Va falloir être balèze pour récupérer une ville comme celle de Roubaix dans quelques années. Par exemple.
http://www.monde-diplomatique.fr/1997/06/ROUSTEL/4748
Comment Roubaix est devenue une « ville à majorité musulmane »
par Damien Roustel
Tout commence le 2 mars 1996. L’hebdomadaire Le Point fait sa « une » sur les « banlieues de l’islam ». Le dossier de l’hebdomadaire est bâti à partir d’un livre qui vient d’être publié : Le Paradoxe de Roubaix, de Philippe Aziz (1). L’ouvrage, qui affirme que Roubaix est l’unique ville de France à majorité musulmane, précise que celle-ci est ainsi devenue « une cité-laboratoire exemplaire où cohabite, à côté d’une élite maghrébine cultivée et remarquablement intégrée, une grande foule d’exclus musulmans abandonnés dans des quartiers-ghettos où la police ne s’aventure qu’avec prudence, où les prédicateurs d’un islam radical gagnent chaque jour du terrain ». Ce serait là le paradoxe de Roubaix.
Partant de ce postulat (Roubaix, ville de France où les musulmans sont majoritaires), Claude Imbert, directeur de la rédaction du Point, donne le ton du dossier : le combat s’impose contre les intégristes qui saperaient la République. Dans l’éditorial de son hebdomadaire, il qualifie d’ « édifiant » l’ouvrage de Philippe Aziz.
L’introduction du dossier du Point annonce que l’auteur a mené « une vaste enquête » (qualifiée de « magistrale ») à Roubaix, « la seule ville de France à majorité musulmane ». Le dossier comprend un très long entretien avec Philippe Aziz, six portraits de musulmans extraits du livre, quatre encadrés (dont deux rédigés par Philippe Aziz) et la chronique de Jean-François Revel. Dès sa première question, le journaliste Christian Jelen répète que « 53 % des Roubaisiens sont de confession musulmane ». Jean-François Revel apprécie l’ouvrage de la manière suivante : un « livre qui restera comme une base de vraie sociologie, en rupture avec la sociologie ambiante, bavarde et idéologique ».
Dix jours plus tard, l’hebdomadaire Paris-Match entre à son tour en action. Il publie de longs extraits de l’ouvrage et affirme d’emblée : « Cette ville du Nord compte une majorité de musulmans. » En août et en septembre 1996, le journaliste du Point Christian Jelen (dans La France éclatée) et le journaliste du Figaro Thierry Desjardins (dans sa Lettre au président à propos de l’immigration) reprennent cette thèse à leur compte (2).
Cette donnée démographique, capitale, n’est mise en cause par aucun des auteurs cités. Pourtant, dès le lendemain de la sortie du Point - et du livre -, Pascal Percq, journaliste à Nord-Eclair et correspondant du Point dans le Nord, avait contesté la thèse de Philippe Aziz : « Il y intègre pêle-mêle Maghrébins, Français d’origine maghrébine, croyants ou non. Or il n’existe a priori aucune donnée sur les convictions religieuses de chacun. Tout Roubaisien d’origine maghrébine serait-il systématiquement musulman ? Enfin, pour la plupart, ces personnes visées sont depuis longtemps de nationalité française, voire nées à Roubaix (3). »