10 ans après Ilan Halimi : Le «grand désarroi» juif, une facette du malaise français
Ilan Halimi a été sauvagement assassiné, il y a tout juste dix ans. Cette affaire avait révélé la montée en puissance d'un nouvel antisémitisme. Dix ans après et alors que les tragédies se sont succédées où en sont Français juifs?
On a désormais un antisémitisme djihadiste, le plus dangereux parce que c'est celui qui tue.
L'assassinat du jeune Ilan Halimi remonte effectivement à dix ans. Etait-ce le début des tourments? On peut bien entendu remonter plus loin, aux attaques contre des lieux juifs au début des années 2000, ou au meurtre de Daniel Pearl…Mais cet essor d'un antisémitisme qui recycle et réactive les vieux clichés traditionnels tout en étant violent et meurtrier, cela est nouveau en France. On avait un antisémitisme résiduel d'extrême droite, un antisémitisme d'extrême-gauche dissimulé derrière un antisionisme de façade. On a désormais un antisémitisme djihadiste, le plus dangereux parce que c'est celui qui tue.
Votre dernier livre, une enquête sur les Français juifs s'intitule, «Le grand désarroi». Pourquoi ce titre?
Dans désarroi, il y a une perte de repères, une perplexité, une incompréhension. On ne maîtrise pas les phénomènes qui sont à l'œuvre et on a le sentiment de ne pas saisir ce qui se passe. C'est très exactement le sentiment qui domine dans une large partie du judaïsme français.
Le dicton «Heureux comme Dieu en France» a-t-il définitivement perdu son sens?
Les juifs n'ont pas toujours été heureux en France. Il y a eu des pages glorieuses et des pages plus sombres, mais leur histoire est profondément imbriquée dans celle du pays. De grandes figures se sont illustrées. De grandes choses ont été faites. De grandes amitiés sont nées. La petite-fille de Charles Péguy était jeudi soir dernier à une conférence que nous donnions sur notre livre dans une librairie parisienne et nous avons évoqué la belle amitié de son grand-père avec Bernard Lazare, le fait aussi qu'une plaque au nom de son grand-père trône à l'entrée de la synagogue de la Victoire…A vrai dire, le dicton que vous mentionnez a un peu perdu de son sens, non seulement parce que les juifs de France vivent un malaise, mais aussi parce que Dieu lui-même ne doit pas être très heureux par les temps qui courent, quand on voit ce qui se commet en son nom.
La tentation du départ est-elle majoritaire?
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