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La Bible dit-elle vrai ?
David Belhassen·mardi 5 janvier 2016
Répondre à une telle question est assez ardu. Il faut pour cela aller au-delà de la Foi et de la croyance, et faire usage de 'ratio', de logique, et de rigueur scientifique qui ne laissent aucune place au sentiment religieux et à "l'expérimentation spirituelle".
Mais même ainsi, la distinction dans la Bible entre le mythique et l'historique , le légendaire et le réel, le symbolique et le concret, l'imaginaire et l'attesté, le fictif et le certifié, l'anachronique et le chronologique, n'est pas chose aisée. Les multiples notions sont comme imbriquées les unes dans les autres pour former ce qui nous paraît aujourd'hui comme un ensemble cohérent.
Afin de "séparer le grain de l'ivraie" dans la critique biblique, il faut de solides connaissances linguistiques en hébreu, ainsi qu'un bagage d'érudition assez éclectique qui mêle l'Histoire, la Géographie, l'Etymologie, la Philologie, l'Archéologie etc… Néanmoins, avec un simple effort de logique et de rigueur intellectuelle, il est possible d'entrevoir les failles des récits bibliques et d'apporter ainsi une modeste contribution au rétablissement de la vérité historique.
Tout d'abord notons que nous parlerons ici uniquement du "Tanakh", c'est-à-dire du canon de la Bible judaïque, et non des livres apocryphes ou ceux du "Nouveau Testament". Le Tanakh est une compilation de 24 livres inégaux en qualité et quantité, en forme et fond, en temps et espace : certains sont volumineux et très anciens à vocation principalement historique, comme le Livre des Juges (rédigé au XIème siècle avant J.-C) et d'autres sont beaucoup plus récents et à vocation apologétique, comme le "Rouleau d'Esther" (rédigé au Vème siècle avant J.-C) ou le "Livre de Daniel" (rédigé au IIIème siècle avant J.-C).
Cela signifie que plus de 700 ans séparent le plus ancien du plus récent ! Il va donc sans dire que ces livres ont été composés non seulement à des époques différentes mais également par des personnes qui avaient entre eux peu de choses en commun aussi bien dans le domaine de la Foi que dans l'approche rédactionnelle, et même dans la théologie ou encore l'identité tribale, si ce n'est ethnique ! Ainsi le livre des Juges a été rédigé par un Hébreu israélite dans un hébreu archaïque mais impeccable, et le Rouleau d'Esther par un "judaisant" et dans un hébreu pseudo classique et en fait exécrable.
Autre point important : l'ordre de ces 24 livres tels qu'ils sont placés dans le codex biblique n'est pas selon leur rédaction chronologique, mais répond à des contingences théologiques sur lesquelles le cadre étriqué de cet article ne permet pas de nous y attarder. Il faut juste savoir que le Pentateuque (les cinq parties qui forment la Torah) ou le "Livre de Josué" par exemple, qui se trouvent en première et deuxième position de la compilation biblique, sont en fait plus tardifs (environ au VIIème siècle avant J.-C) que le Livre des Juges et le Livre de Samuel (environ au XIème et Xème siècle avant J.-C) qui se trouvent en troisième et quatrième place. De même le Livre des Psaumes (facticement attribué au roi David) devance le "Livre de Ruth" alors que ce dernier lui est bien antérieur.
Néanmoins, et en dépit de toutes ces contingences, il y a entre tous ces livres de la Bible, sinon un point commun, du moins un objectif théologique principal et fondamental : Le triomphe du monothéisme, et donc la lutte radicale contre le paganisme, l'animisme, le totémisme et le polythéisme des Hébreux. Cette monothéisation n'est pas anonyme. Elle se nomme : "Yahwéhisation "! Dans ce "but sacro-saint", la Bible et surtout la Torah (dont la rédaction est fallacieusement attribuée à l'époque de Moïse alors qu'elle a été rédigée 500 ans après lui) s'articule sur les 10 axiomes suivants :
1. Les Hébreux ne sont pas des autochtones du 'Pays de Canaan', mais des migrants dont l'ancêtre Abraham est un étranger venu sur cette terre sous l'injonction de Yahweh.
2. Yahweh a scellé avec Abraham une alliance qui lui octroie la "Terre promise" en contre partie de son obéissance. Toute désobéissance de sa descendance induira inexorablement la perte de cette terre, l'exil, et le malheur du peuple Hébreu.
3. Le nom "Israël" a été octroyé par Yahweh à Jacob le petit-fils d'Abraham. Dorénavant, seuls les Fils d'Israël (12 tribus) descendants de Jacob jouiront de "l'élection" concernant les promesses de l'Alliance avec Abraham. Tous les autres Hébreux descendants ou parents d'Abraham (Ismaël, Amon, Moab, Edom etc…) sont déchus de l'élection et de l'héritage du Pays de Canaan.
4. Les "Fils d'Israël" ou "Israélites" ont subi l'esclavage en Egypte. Yahweh, le Dieu unique de leurs ancêtres, les en a libérés pour les ramener en 'Terre promise', en vertu de l'Alliance faite avec leurs ancêtres les patriarches Abraham, Isaac, Jacob.
5. Les Fils d'Israël ont séjourné dans le Sinaï pour se préparer à l'entrée en "Terre promise", après avoir reçu les "Tables de l'Alliance" et s'être engagés à respecter toutes les lois de la Torah transmises par Moïse.
6. Les Fils d'Israël sont appelés, dès leur entrée en "Terre promise", à exterminer toutes les peuplades polythéistes de Canaan, et en premier lieu les "Cananéens idolâtres".
7. Josué a en effet mené une guerre totale contre les "Cananéens" et les autres peuplades de Canaan.
8. Yahweh sait d'avance que les Israélites lui désobéiront et il les châtiera par le biais d'Empires et de souverains qu'il choisira pour cette besogne punitive.
9. Néanmoins, Yahweh n'abolira pas son Alliance avec les Fils d'Israël qui lui resteront fidèles et loyaux et même avec ceux qui lui ont désobéi et se repentiront.
10. Yahweh est le seul et unique maître de l'Univers et de l'Histoire. L'obéissance à Yahweh est la condition sine qua non à l'existence même du peuple d'Israël.
A présent, nous allons 'décortiquer' ces dix axiomes :
1. Faux ! Les Hébreux sont des autochtones et des indigènes sur leur pays. Leur pseudo ancêtre Abraham leur était inconnu. Les deux plus anciens livres de la Bible l'ignorent. Le personnage d'Abraham est une pure légende créée tardivement pour induire chez les Hébreux le sentiment qu'ils sont des métèques sur leur propre terre, des migrants à qui Yahweh a octroyé "la Terre promise" au nom de son alliance avec Abraham l'ultra-obéissant ! Or la langue hébraïque contredit une éventuelle migration d'Est en Ouest vers Canaan car en hébreu la désignation des quatre points cardinaux montre une direction diamétralement opposée : la Mer méditerranée à l'Ouest est appelée yam aharon donc "Mer derrière moi", l'Est se dit qedem, c'est-à-dire "devant", le nord smol, ma main gauche, le sud yamin, ma main droite. Si Abraham était l'ancêtre des Hébreux et qu'il était un migrant venu d'Est en Ouest, la Mer méditerranée serait devant lui et non derrière lui. A moins qu'il n'ait fait son "pèlerinage vers la Terre Promise" à… reculons !!!
2. Faux ! Les Hébreux ne devaient rien à Abraham et à son alliance avec Yahweh. Ils ne connaissaient pas son existence avant le VIIIème siècle et la construction du personnage par le monothéisme israélite puis judaïque.
3. Faux ! Le nom Israël était à l'origine le nom de l'entité politique créé par des Hébreux pour fédérer les tribus hébraïques afin de lutter contre les envahisseurs venus de la Mer Egée (en hébreu, envahisseurs se dit "plishtim", d'où le mot "philistin" en français). Certaines tribus et peuplades hébreues se fédérèrent sous la bannière "Israël", d'autres non (comme les Qeynites, les Qeynazites, les Jébuséens, les Girgashites, les Edomites, les Moabites etc…). Dans la tribu hébreue Ishmaël (Ismaël), il y eut scission entre ceux qui entrèrent dans la fédération et à qui fut octroyé le nom de Shim'on ("le petit entendeur") -, et ceux qui refusèrent de s'y joindre et conservèrent le nom Ishmaël ("Dieu entendra"). Cette fédération politique "Israël" existait avant qu'elle ne soit associée au patriarche Jacob. Le Livre des Juges ignore d'ailleurs le nom de Jacob mais parle des dizaines de fois d'Israël. C'est seulement à partir du Livre de Samuel (Xème siècle avant J.-C) que le patriarche Jacob est considéré comme l'ancêtre éponyme d'Israël.
4. Faux ! Les Fils d'Israël n'ont jamais été esclaves en Egypte et il n'y eut jamais l'épisode de "l'Exode". C'est une fiction assez tardive (VIIIème siècle avant J.-C) inventée par l'hénothéisme israélite puis monothéisme judaïque, dans le même but d'induire le sentiment parmi les Hébreux israélites qu'ils sont redevables de leur libération à Yahweh. Il n'y a aucune preuve archéologique et épigraphique de ce pseudo esclavage.
5. Faux ! Les Hébreux n'ont pas séjourné dans le Sinaï lors de leur "Exode en vue d'hériter de la Terre promise". Les tribus hébreues, et en particulier les tribus hébreues nomades tels que Amaleq ou Midian, y habitaient depuis des millénaires. Quant aux pseudos "lois de la Torah" données au Sinaï et consignés dans le Pentateuque, elles sont pour la plupart tardives (VIIIème siècle avant J.-C) et reflètent la législation imposée par le monothéisme et non le polythéisme antique des Hébreux. Le respect du "Shabbat" par exemple, est inconnu du livre des Juges !
6. Faux ! Hébreux et Cananéens sont un seul et même people ! Cananéens (littéralement : les littoraux) et Hébreux (littéralement : les passeurs de cols, donc les montagnards) , ne sont qu'un seul et même peuple autochtone du pays de Qedem (Le Levant). Leurs noms différents reflètent respectivement la topographie du pays : Le littoral pour les uns, et l'arrière-pays montagneux, pour les autres. D'après l'archéologue-philologue Adyah Horon Gourevitch, les Cananéens sont même "les plus Hébreux parmi les Hébreux". Rien ne distingue entre eux. Hébreux et Cananéens sont de même ethnie, parlent la même langue, ont la même culture etc… C'est la Bible qui a expulsé (littérairement) les Cananéens de leur appartenance à l'ensemble des Hébreux pour des raisons théologiques : Les Cananéens ont rejeté la réforme monothéiste et ont conservé leur polythéisme !
7. Faux ! Il n'y a jamais eu de "Conquête de Canaan" par Josué, et encore moins de "Campagne d'extermination contre les Cananéens idolâtres". C'est une fiction théologique tardive créée lors de la réforme monothéiste au VIIIème siècle. Il n'existe aucune preuve archéologique à cette pseudo conquête, pour la bonne raison que les Israélites ne sont jamais "sortis d'Egypte" et sont toujours demeurés dans leur patrie ancestrale. On peut à juste titre les considérer comme 'peuple premier' sur leurs terres.
8. Faux ! Toutes les pseudo "prophéties" qui parlent de l'exil des Hébreux israélites hors de leur patrie pour avoir "désobéi" à Yahweh, ont été écrites a posteriori et une fois que le royaume d'Israël est tombé sous les coups de l'Empire assyrien.
9. Faux ! Le royaume de Judah a été envahi et détruit par les Babyloniens bien que ce royaume fut monothéiste-yahwiste. De plus, la grosse majorité des Israélites du royaume Israël du Nord (comme de celui de Judah du Sud) sont restés sur leurs terres et n'ont pas été exilés, en dépit de leur "désobéissance" à Yahweh. Le mythe des "dix tribus perdues" est une fiction théologique.
10. Faux ! Les Hébreux, et les Hébreux israélites parmi eux, étaient des animistes, des totémistes, et des polythéistes. L’entité “Israël” existait avant Yahweh. Son nom ISRA-EL est d’ailleurs en hommage au Dieu El, le Dieu suprême du Panthéon hébreu, et non à celui de Yahweh. Yahweh n’était qu’un (petit) Dieu parmi tous les autres Dieux de leur Panthéon. Mais peu à peu les adeptes de ce Dieu renfrogné des cavernes qui symbolisait le vent et la respiration dans les bronches des êtres vivants, développèrent leur propagande théologique intensive jusqu'à transformer une partie des Hébreux israélites en hénothéistes puis en monothéistes. Ce n'est qu'avec la victoire des Macchabées au IIème siècle avant J.-C, que leur fut imposé définitivement et globalement le monothéisme (principalement judaïque, mais aussi samaritain).
Conclusion : Si la Bible fournit des données historiques véridiques indubitables dans beaucoup de domaines, elle ment effrontément dans tout ce qui touche au passé des Hébreux et en particulier au processus de monothéisation-yahwéhisation que subirent les Hébreux israélites. La Bible a dans ce but fait usage d'un "filtre" théologique par lequel elle distille sa vision monothéiste biaisée de l'Histoire des Hébreux et du Pays des Hébreux.