Le dopage est d'abord un secret de polichinelle. Consubstantiel au cyclisme (et au sport de haut niveau en général). Sans doute, dans le Tour 1903, ce n'étaient pas les substances mirifiques de maintenant, mais il y avait du dopage.
Je crois que c'est Anquetil qui a été le premier, dans la période plus récente, à dire les choses clairement. A des journalistes qui lui parlaient de dopage, il a répondu quelque chose comme : vous voyez, je prends mon vélo 300 jours par an. Alors je ne sais pas vous, mais moi, je ne m'appelle pas Superman.
A été immortalisé par l'immense poète que le Monde entier nous envie :
J'affirme que l'on m'a proposé beaucoup d'argent
Pour vendre mes chances dans le Tour de France.
Le Tour est un spectacle et plaît à beaucoup de gens
Mais dans le spectacle, y'a pas de miracles.
Le coureur a dit la vérité,
Il doit être exécuté.
Le coureur a dit la vérité,
Il doit être exécuté
.
Et nous sommes dans les années 60, ici, c'est pas hier matin.
Une remarque simplement : Anquetil, Mercx, Armstrong, Indurain, etc. sont tous passés aux aveux, ou pour d'autres leur mort très prématurée témoigne d'elle-même. On a parlé de Pantani, on pourrait parler aussi de Bobet, de Simpson, de Coppi, etc. (1)
Il n'y a qu'un seul Pur, un Intouché, un Diaphane, un Saint faiseur de miracles : Bernard Hinault.
Lui, à l'entendre, n'a jamais rien pris.
Superman, c'est lui, ne cherchez pas plus loin.
Cela m'a fait changer d'avis sur lui : je croyais qu'il n'avait aucun sens de l'humour.
Je pensais qu'il était un type foncièrement honnête - au reste il a fini dans l'équipe d'un autre Nanard, l'innénardable Tapie, qui est le parangon de la Vertu et de la Rigueur, il a importé, comme on le sait, les pratiques rigoristes et moralistes du monde des affaires dans l'univers du sport, cyclisme et foot en particulier -, mais le côté amuseur, drôlatique, désopilant, m'avait échappé, chez Hinault....
Deuxième remarque : il y a une idée que je ne retrouve pas assez dans les propos précédents et qui doit être soulignée davantage, en relation avec l'observation comme quoi la dope a toujours existé. C'est le fait que depuis plusieurs dizaines d'années, le dopage ne relève plus de l'initiative de tel ou tel coureur, mais est un véritable système, où l'initiative personnelle ne joue plus aucun rôle.
Quand Mercx s'est fait inquiéter, je ne sais plus quelle année, positif à la codéine, si je me souviens bien, il pouvait encore dire que ce médicament (car c'en est un, je suppose que vous en avez tous pris dans une grosse grippe), il pouvait arguer que son médecin personnel le lui avait prescrit pour guérir une rhino, ce qui est une bonne indication.
Mais aujourd'hui, les coureurs suivent des programmes qui sont imposés par l'équipe et le groupe de médecins de l'équipe.
Alors, certes, on peut parler de la responsabilité personnelle et n'importe quel humaniste normal aura raison de dire qu'un homme adulte est responsable de ses actes de façon personnelle, etc. Le coureur a donc parfaitement la faculté de refuser le protocole mis en place par l'équipe et ses dirigeants.
Mais cela signifie qu'il devra prendre la porte immédiatement. Et on ne le prendra pas ailleurs, parce que dans les autres équipes, on n'aime pas non plus les chieurs.
Son choix est donc simple :
- soit il veut faire cycliste professionnel, et alors il prend ce qu'on lui dit de prendre ; on ne lui demande pas de savoir ce que c'est exactement, si c'est de la dope ou du fortifiant anodin, il n'est pas là pour être un spécialiste de la pharmacopée. Il ne sait pas plus ce qu'il y a exactement dans la pommade avec laquelle on le masse et d'autres choses.
- soit il veut faire chier avec des scrupules, de la morale ou des considérations sanitaires, et à ce moment là il ne fait pas cycliste professionnel, il fait facteur ou autre chose, mais pas vélo pro.
(1) Et l'on ne sera pas surpris que cela arrive aussi à Cancellara. Mais la question que je me pose, c'est, si Cancellara était atteint d'un cancer, qu'adviendra-t-il à Claveyrolat ?