Interview - Un taureau de quatre ans a eu la vie sauve dimanche dans les arènes de Dax. Retour sur cet événement.
C'est rarissime. Dimanche, Desgarbado, un taureau de quatre ans a été gracié dans les arènes de Dax, lors de la deuxième corrida de la feria de toros y salsa, la dernière corrida de la saison dans le sud-ouest. Sa queue et ses oreilles sauvées, le valeureux taureau est depuis reparti en Espagne où il va devenir un reproducteur. Pour les non aficionados et les autres, Jacques Pons, président de cette course, revient sur cet événement.
LCI.fr : Pourquoi dans ce combat, qui se solde traditionnellement par la mort du taureau, celui-là a-t-il eu la vie sauve. Le fait de le gracier, c'est une manière de l'honorer ?
Jacques Pons : Oui, c'est rendre hommage au taureau qui a démontré de la bravoure dans le combat, c'est rendre hommage également au torero qui a su mettre en valeur les qualités de l'animal. En tauromachie, on appelle ça l'indulto. Il a bénéficié de l'indulgence du public. Concrètement, lors d'une corrida, c'est la présidence technique qui prend cette décision.
LCI.fr : C'était déjà arrivé dans les arènes de Dax ?
J.P. : Non, une grâce est exceptionnelle en tauromachie a fortiori dans les grandes arènes. Depuis leur création en 1913, c'est le premier taureau qui sauve sa vie dans les arènes de Dac. J'insiste, il faut vraiment que l'animal ait un comportement parfait en piste, qu'il charge longuement sans relâche, qu'il soit très mobile, qu'il montre une très grande noblesse dans ses charges...
LCI.fr : Vous semblez regretter cet indulto...
J.P. : (soupirs) C'est vrai qu'en tant qu'afiocionado, je trouvais que ce taureau avait bien des qualités mais peut être pas celles requises pour qu'on lui accorde la vie sauve. Une grâce doit rester exceptionnelle. Ce sont les spectateurs qui, au vu de la lida, ont pris conscience que ce taureau avait beaucoup de qualités et se sont manifestés en agitant des mouchoirs blancs pour demander au président que la vie soit laissée à ce taureau. Ils criaient "Indulto!", "Indulto!" C'était une manifestation bruyante et joyeuse. Cela a duré pas mal de temps parce que mon opinion n'allait pas tout à fait dans le sens du grand public. A deux reprises, j'ai fait signe au torero qu'il fallait maintenant tuer le taureau. Et au moment où il se plaçait pour porter l'estocade, les cris du public redoublaient et le torero me regardait, ça a duré deux ou trois minutes et un moment donné je me suis dit on ne peut pas avoir raison contre le reste du monde et j'ai sorti le mouchoir orange signe que le taureau est grâcié... Le toréador, l'Espagnol Miguel Angel Perera a jeté son épée et mimé avec la main la mort du taureau.
LCI.fr : Qu'est ce qu'il manquait au taureau, selon vous ?
J.P. : Il y a trois tercio en corrida (trois parties, NDLR.). Le premier : quand le taureau sort du coral et qu'il est reçu avec sa cape. C'est normalement un test fondamental pour jauger la bravoure du taureau. Là, il est rentré dans l'arène très distrait, en courant un peu dans tous les sens. Il y a ensuite l'épreuve de la pique. Ce tercio a été un peu un simulacre. Normalement, pour accorder la grâce à un taureau il faut qu'il aille deux fois lutter contre la pique, là il a été très peu piqué. Dans le troisième tercio, en revanche, il a fait preuve de qualités indéniables, chargeant sans relâche avec un galop qui ne s'est jamais démenti. Il était infatigable.
LCI.fr : Pourquoi dans ce cas là, la mort ne pourrait-elle pas toujours être symbolique ?
J.P. : Ah, ça c'est un grand débat. Ce combat à mort entre l'homme et l'animal remonte à la nuit des temps...
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