Rwanda : Juppé appelle Hollande à défendre "l'honneur de la France"
Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères à l'époque du génocide rwandais, juge ''inacceptable" la "mise en cause de la France" par Paul Kagame.
Alain Juppé, ancien ministre des Affaires étrangères à l'époque du génocide au Rwanda en 1994, a appelé samedi François Hollande "à défendre l'honneur de la France", face à ce qu'il qualifie d'''inacceptable mise en cause de la France" par le président rwandais Paul Kagame dans un article à paraître dans Jeune Afrique.
"Il serait aujourd'hui intolérable que nous soyons désignés comme les principaux coupables. J'appelle le président de la République et le gouvernement français à défendre sans ambiguïté l'honneur de la France, l'honneur de son armée, l'honneur de ses diplomates", a écrit Alain Juppé dans un article publié samedi soir sur son blog.
Alain Juppé réagissait à une interview du président Kagame, qui dans Jeune Afrique, "accuse notre pays d'avoir organisé et encouragé le génocide, d'en avoir été complice et même acteur", selon Alain Juppé. "Il est rigoureusement faux que la France ait aidé en quelque manière les auteurs du génocide à préparer leur forfait", écrit-il, rappelant qu'au contraire, Paris "a tout fait pour pousser à la réconciliation des deux camps"
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Avis divergents:
Le génocide du Rwanda : l’Histoire qui n’a pas été dite
« Je vous le raconte comme je l’ai vu », dit Fidèle Simugomwa, ancien chef de la milice extrémiste des Hutus pendant le génocide rwandais, lors d’un entretien avec Serge Farnel, réalisateur de films documentaires. « Les soldats français avaient pris position sur une colline et tiraient sur les Tutsis… Nous portions un signe distinctif afin que les Français ne nous tirent pas dessus – nous nous étions dissimulés sous des feuilles d’arbres ».
Un à un, les anciens génocidaires filmés par Serge Farnel racontent la même histoire ; à savoir que, le 13 mai 1994, de petites équipes d’hommes blancs, qu’ils décrivent comme étant des « soldats français », vêtus de treillis et transportés dans des jeeps ou des camions, se rassemblaient sur les hauteurs dans l’arrière-pays de l’ouest rwandais. Ils tiraient des coups de feu dans les collines de Bisesero afin de débusquer les Tutsis.
Puis ils visaient directement les hommes, les femmes et les enfants qui prenaient la fuite. Quand les coups de feu cessèrent, les tueurs hutus investissaient les collines. Maniant des machettes, des lances, des massues cloutées, et leurs propres fusils, ils achevèrent les blessés.
Lien / LienRwanda, 13 mai 1994. Un massacre français ?
Le degré d’implication des autorités civiles et militaires françaises dans le soutien au Gouvernement intérimaire rwandais pendant qu’il procédait au génocide, est controversé.
Divers travaux révèlent – entre autres méfaits – que, sur le terrain, dans le cadre des opérations ‘‘Amaryllis’’ (du 8 au 14 avril 1994) et ‘‘Turquoise’’ (du 22 juin au 22 août 1994), des militaires, agissant conformément aux ordres reçus, ont abandonné, sinon livré, des civils à leurs assassins dont ils avaient auparavant formé les cadres.
Par ailleurs, une dizaine de procédures introduites par des victimes de viols et de sévices graves qu’auraient commis ces soldats, sont actuellement pendantes devant le Tribunal aux armées de Paris. Toutefois, jamais encore on n’avait sérieusement prétendu, encore moins démontré, que des commandos de l’Armée française avaient directement participé à certains massacres. C’est chose faite aujourd’hui.
Le présent ouvrage expose les multiples aspects d’une enquête menée en deux temps, d’abord fin avril 2009, puis en février 2010, dans la région de Kibuye et les collines de Bisesero, à partir d’une information recueillie par hasard.
Quelque lignes suffisent pour caractériser l’apport essentiel de cette enquête.
En mai 1994, une quinzaine de militaires français en uniformes auraient occupé une salle de réunion dite « CCDFP », dépendant de la municipalité de Gishyita. Ils s’y seraient encore trouvés, le 24 juin, pour accueillir un contingent de ‘‘Turquoise’’ qui s’est logé au même endroit.
Le 12 mai, ces militaires auraient participé à l’expédition montée par le bourgmestre et consistant à rassembler la population pour l’emmener vers les collines de Bisesero où s’étaient réfugiés, en très grand nombre, des Tutsi qui avaient jusqu’alors efficacement résisté aux génocidaires. Il s’agissait de rassurer ces réfugiés en promettant de leur procurer vivres et protection – promesses appuyées par une parodie de maîtrise d’une foule hostile.
Un tout autre programme fut exécuté, dans ces mêmes lieux, dès le lendemain, 13 mai : ce jour-là, plusieurs dizaines de milliers de Tutsi furent massacrés.
La chose est de notoriété publique. En revanche, jusqu’à présent, il n’avait pas été question d’une présence, encore moins d’une participation française à ces horreurs. C’est pourtant ce qui résulte de l’enquête menée par Serge Farnel.
D’après les témoignages qu’il a pu recueillir, la participation des militaires cantonnés au CCDFP aurait été déterminante : puissamment armés, passant de colline en colline, ils auraient mitraillé, pilonné, les Tutsi encerclés par la multitude des génocidaires locaux qui, ensuite, achevaient les blessés à coups de gourdins et de machettes.
LienImprescriptible
L’implication française dans le génocide tutsi portée devant les tribunaux
Le génocide et la complicité de génocide sont des crimes imprescriptibles. Quels que soient leur nationalité ou leur niveau de responsabilité, aucune immunité n’en protège les auteurs. En 1994, la communauté internationale a reconnu le génocide tutsi comme l’un des trois génocides du XXe siècle. Cette décision met la France dans une position délicate.
Il est désormais avéré qu’entre 1991 et 1994, des soldats français ont formé, sur ordre, des Rwandais qui ont participé à ce génocide. Pendant les massacres, l’armée française s’est portée à leur secours, leur permettant de poursuivre aussi longtemps que possible leur terrible besogne. Elle les a épaulés dans leur guerre contre le FPR avant de faciliter leur fuite au Zaïre.
Depuis, les autorités françaises n’ont cessé de protéger leurs anciens alliés devenus génocidaires. Ce livre appelle à la mise en cause, devant les juridictions françaises ou devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), d’hommes politiques placés au cœur de l’État, mais aussi de hauts fonctionnaires, d’officiers supérieurs ou de simples soldats, au titre de la participation directe ou de la complicité dans le génocide.
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