Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris à la suite des révélations du Point sur les contrats passés entre l’UMP et le groupe Bygmalion, détenu par des proches de Jean-François Copé. Mais la justice pourrait ratisser plus large encore.
« C’est une affaire pour la presse, mais pas pour la justice », « il n’y a aucun acte illégal là-dedans », « rien de pénalement répréhensible à faire bosser ses amis »… Voilà ce que répétaient en boucle les responsables UMP à Mediapart depuis le début de l’affaire Copé, révélée par Le Point. C’est pourtant bien à la justice que le parti d’opposition va devoir désormais rendre des comptes. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire le 5 mars sur les liens financiers entre l’UMP et le groupe Bygmalion, fondé en 2008 par deux proches de Jean-François Copé, Bastien Millot et Guy Alves.
Selon Le Monde, les investigations, confiées à l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, visent à identifier d'éventuelles infractions de « faux », « abus de biens sociaux » et « abus de confiance ». « L’UMP accueille avec sérénité l’ouverture de cette enquête qui permettra de tordre le cou aux allégations calomnieuses et mensongères du Point, a fait valoir le parti dans un communiqué. L’intégralité des comptes de l’UMP (que Jean-François Copé a placés sous scellés le 3 mars – ndlr) est à la disposition de la justice française. »
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Déjà prestataire de tous les grands événements organisés par l’UMP (universités d’été, journées parlementaires, conseils nationaux…), le groupe Bygmalion a joué un rôle clé dans l’organisation de la campagne de 2012, via l’une de ses filiales, Events & Cie. Selon Le Point, cette dernière aurait empoché 8 millions d’euros au total pendant la course à l’Élysée.
Les enquêteurs devront vérifier si certaines des prestations ont été surfacturées, comme l’expliquait l’hebdomadaire. Une entreprise délicate. L’un des acteurs clés de la campagne de 2012, un copéiste, nous déclare : « Chez Bygmalion, ils étaient corvéables à merci. Cela a un prix : celui que le client est prêt à payer. Je ne suis pas choqué. Comment parler d’une surfacturation de 10 % ou 20 % ? » L’ancien trésorier de l’UMP, le filloniste Dominique Dord, interrogé par L’Express, en conviendrait presque : « J'avais alerté Nicolas Sarkozy : tu es sûr que tu ne laisses pas les copains de Jean-François (Copé) se gaver ? Il m'avait répondu : non ! Les surfacturations ? C'est improuvable ! Combien vaut un meeting qu’on organise dans des conditions d'urgence absolue ? Combien vaut le savoir-faire ? Certaines prestations sont très difficiles à évaluer. »
Si des surfacturations étaient établies, la justice ne manquerait pas, en tout cas, d’aller voir plus loin et de s’interroger sur la contrepartie classique de ce genre de services entre amis : la “rétro-commission”, reversée par l’heureux prestataire à celui qui lui a permis de “manger”.
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Outre cette question de surfacturations, les investigations porteront également sur l’éventualité de fausses factures et de prestations fictives. Le 6 mars, LePoint.fr pensait avoir mis la main sur l’une de ces prestations, facture Events & Cie à l’appui...
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Ce n’est pas la première fois que la société de Bastien Millot et Guy Alves se retrouve dans le viseur de la justice. En avril 2013, le parquet de Créteil avait ouvert une enquête préliminaire pour « favoritisme », « détournement de fonds », « prise illégale d'intérêts », « faux et usage de faux », dans le cadre d’une affaire impliquant la commune de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) et son maire UMP-UDI, le chiraquien Henri Plagnol, qui a côtoyé Jean-François Copé au gouvernement entre 2002 et 2004.
Entre décembre 2009 et décembre 2012, la ville a passé cinq contrats avec Idéepole, une autre filiale de Bygmalion, pour un montant global de 330 000 euros. L’agence devait réaliser plusieurs supports de communication municipaux (magazine, guides annuels, identité visuelle…). Or, selon un adjoint dissident cité par Le Parisien, près de 250 000 euros « ne correspondent pas à des prestations réalisées ».
En décembre 2012, une plainte a également été déposée par Anticor 06 pour « délit de favoritisme » contre le député et maire UMP de Menton, le filloniste Jean-Claude Guibal. Dans sa plainte, l’association anti-corruption estime qu’« une certaine opacité entoure l’attribution de (...) deux marchés », confiés par la ville – sans mise en concurrence – à deux sociétés : celle de Bastien Millot et Guy Alves, mais aussi COM1+, appartenant à Guillaume Peltier, vice-président de l’UMP et co-fondateur de La Droite forte. Selon les détails publiés par Marianne, Bygmalion a mené un « audit de communication accompagné de recommandations stratégiques » tandis que COM1+ a réalisé une « évaluation », un « accompagnement » et un « suivi des politiques publiques municipales ».
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Parmi ses clients, Bygmalion compte aussi Génération France, le micro-parti de Jean-François Copé, créé à l’automne 2006 et dont Guy Alves fut trésorier au moins jusqu’en 2007. Pendant un temps, la société et le micro-parti ont même été domiciliés à la même adresse. Bygmalion a conçu le site internet de Génération France, mais aussi développé son application mobile et édité ses livres.
Tandis que les finances de l’UMP s’enfonçaient dans le rouge, le micro-parti de Copé, lui, battait des records de dons, passés de 116 065 euros en 2008 à 428 731 euro en 2010. Dans le même temps, les dépenses en « propagande et communication » de Génération France ont littéralement chuté (164 399 euros dépensés en 2008 contre 25 519 euros seulement en 2010). Comment échapper à cette question : le “parti de poche” a-t-il profité, après 2010 et l’arrivée de Jean-François Copé à la tête de l’UMP, de prestations directement financées par la maison-mère ?
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