L’épisode pourrait presque être drôle s’il ne concernait pas la vie privée de tous les citoyens européens. En témoigne ce qui est arrivé à l’eurodéputé Louis Michel, en façade l’un des plus actifs dans la rédaction d’amendements jugés dangereux pour la vie privée d'après le classement effectué par le site LobbyPlag.
La révision de la législation européenne encadrant la « protection des données à caractère personnel » a été depuis des mois le terrain favori des lobbies qui craignent l’adoption de règles trop contraignantes pour leur business. Publicité ciblée, tracking, profilage… tous ces leviers à dollars peuvent en effet être contrariés en Europe dès lors que l’UE adopte des mesures trop favorables à la vie privée des citoyens.
Luis Michel (photo UNDP/hdptcar, via Wikipedia).
Le site LobbyPlag (lobby plagiat) avait été lancé pour comparer les amendements déposés par les eurodéputés avec les versions rédigées par les grands acteurs du secteur tels Amazon, Digital Europe (Microsoft, Apple, RIM, etc.), EUROIspa (FAI, Google, etc.), eBay, la Chambre du commerce américaine, etc.
Comme exposé dans cette actualité, les copies sont parfois parfaites, à la virgule près. Depuis des mois, des initiatives comme La Quadrature du Net dénoncent ainsi ces liens incestueux entre les acteurs du privé et le politique. Cette influence n’est pas tant une surprise, mais ce qu’il l’est plus c’est la réaction d’un des eurodéputés mis au déshonneur de LobbyPlag pour ses 136 amendements jugés opposés à la vie privée des Européens.
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Louis Michel, eurodéputé belge (ALDE), est ainsi 2e chez Lobbyplag dans son anticlassement, juste derrière l’allemand Axel Voss (EPP), grâce notamment à des dispositions touchant aux adresses IP, relève le quotidien De Morgen. Mis à l’index dans l’émission de TV de la VRT « Panorama » - diffusée ce soir et consacrée aux lobbys européens, l’eurodéputé belge témoigne de son entière bonne foi. Il a déjà expliqué à l’agence Belga qu’« il n'y a rien de douteux là-dedans ! Je n'ai jamais vu, ni su, ni signé physiquement aucun de ces amendements. ». Celui-ci assure ainsi être « radicalement en faveur de la vie privée. »
Un collaborateur trop zélé
Alors ? L’intéressé qui avoue donc son ignorance totale sur ses amendements met à l’index l’un de ses collaborateurs qui a déposé cette liasse alors qu’il était en déplacement en Afrique. « C'est le travail d'un employé trop zélé, qui a déposé les amendements alors que j'étais au Mali. Je n'ai jamais été en contact avec un lobbyiste. Comment un employé peut-il déposer, comme ça, une série d'amendements ? Il arrive en effet souvent qu'un collaborateur dépose un amendement au nom d'un parlementaire ». Selon lui encore, c'est son collaborateur qui a « collecté de manière quasi exhaustive » les vœux des lobbyistes pour les déposer en son nom...
L’épisode témoigne en tout cas d’une défaillance dans le contrôle interne de l’activité parlementaire alors qu’est en jeu la vie privée de millions de citoyens européens.
Marc Rees
Marc Rees
Journaliste, rédacteur en chef
http://www.pcinpact.com/news/84541-donn ... ommentaire