Un récent sujet et plusieurs antérieurs me conduisent à poser la question : qu'est-ce que la compétence, en politique ?
On reproche a tel homme ou femme (plus souvent à une femme, comme par hasard...surtout si elle a le malheur (politique) d'être belle) politique d'être "incompétent". Ce que cela veut dire étant rarement explicité, et encore moins la question de savoir si cela existe vraiment, la compétence, en politique.
Comme première remarque, on peut dire qu'il y a une espèce de contradiction dans les termes, dans cette formule (je veux dire : compétence politique ou compétence en politique). Ce que nous appelons en général compétence étant un savoir ou un savoir-faire spécialisé : je suis compétent, comme menuisier, quand je parle de bois, mais pas quand je parle de météorologie, et tous les gens "compétents" c'est-à-dire sérieux vous diront, si la question est hors de leur champ, que cela dépasse leur "domaine de compétence".
Mais quel est le "domaine de compétence" d'un politique ? Alors que le mot "politique", cela signifie très précisément ce qui concerne tout le monde (donc pas seulement les menuisiers comme menuisiers, ou les météorologues comme météorologues, mais tout le monde). De sorte qu'en politique, tout le monde est compétent. Le météorologue comme le menuisier, mais pas en raison de leur compétence météorologique ou menuisière, mais comme citoyens.
Il y a un passage dans Platon (Protagoras) où Socrate dit qu'il se passe dans la Cité quelque chose d'assez étrange : il ne viendrait pas à l'idée d'un type qui n'a jamais vu un bateau de venir donner son avis dans une conversation entre armateurs. Pas davantage un type qui n'est pas médecin ne s'aviserait de vouloir intervenir dans un Congrès de médecine pour donner son avis. Ou qu'un gars qui n'a pas fait d'études dans ce domaine de venir se mêler d'un débat entre des architectes sur la manière de construire tel ou tel monument, etc. En revanche, lorsqu'il s'agit de questions "politiques", le premier péquin venu se croit autorisé à avoir un avis (et même à l'exprimer en votant, donc en entraînant des décisions dans son sens, ce qui est autrement plus sérieux que d'émettre une opinion comme ça, sans responsabilité).
Je préviens un contre-sens sur ce que je suis en train de dire : je ne dis pas que Platon a raison, hein. C'était un aristocrate et l'Europe d'aujoud'hui lui aurait parfaitement convenu : pouvoir absolu des compétents, de ceux qui savent (la finance, les affaires internationales) sur le peuple abruti de ceux qui n'y entendent rien et n'ont qu'à la fermer et par lesquels on n'a nul besoin d'être mandaté ou élu, puisqu'ils sont "incompétents", etc. Quand ces débiles qui n'y comprennent rien votent contre un traité, on l'applique quand même puisque ce sont des incompétents, etc.