La xénotransplantation pourrait donner tout son sens à l'expression "se faire du sang de cochon". Problèmes éthiques en vue?
Au cours des prochaines années - les plus optimistes parlent même en terme de mois - des êtres humains pourraient vivre avec des organes greffés provenant du porc. "La xénotransplantation (greffe entre espèces), c'est faisable et ça a de l'avenir parce que le nombre de personnes en attente d'une greffe demeure continuellement au-dessus du nombre d'organes humains disponibles pour transplantation", a expliqué Éric Wagner à l'occasion d'une conférence-débat sur le thème des greffes entre animaux et humains, présentée récemment dans le cadre du cours "Recherche biomédicale, éthique et droit".
Le jeune chercheur, diplômé de Laval, effectue présentement un post-doctorat à Duke University au sein d'une des équipes les plus avancées au monde dans le domaine de la greffe porc-humain. Chiffres à l'appui, il a expliqué l'ampleur du déficit en organes qui sévit partout dans le monde. Aux États-Unis par exemple, près de 12 000 personnes ont subi une greffe de rein en 1995 alors que 44 000 malades ont fait le pied de grue sur une liste d'attente et que 3 500 autres sont morts faute d'organes à transplanter. Au Canada, il y aurait 1,5 fois plus de personnes en attente d'une transplantation (2 150) que de greffes réalisées chaque année (1 420). "On manque d'organes parce que seulement 64 % des gens ont signé leur carte de dons d'organes et qu'à peine 40 % des organes donnés sont acceptables pour une greffe, dit Éric Wagner. Pourtant, plus de 80 % des gens disent qu'ils accepteraient une greffe d'organes humains si cela était nécessaire."
Vers le monde animal
Confrontés à cette pénurie d'organes, les chercheurs se tournent vers un bassin apparemment inépuisable d'organes, le monde animal, et plus précisément vers celui qui pourrait devenir le roi de cette nouvelle jungle:
le porc.
Pourquoi lui ? Parce qu'il est facile à élever, qu'il est très abondant, qu'il présente peu de risques de transmission d'agents infectieux, que la taille de ses organes épouse bien celle des organes humains, que son système immunitaire est bien connu et qu'il existe des outils pour modifier ses gènes, résume Éric Wagner.
"Il y a quand même la barrière des espèces à franchir. Si on transplante un organe de porc non modifié chez un humain, un rejet hyperaigu survient 5 à 10 minutes plus tard." Pour éviter cette réaction immunitaire, les chercheurs modifient les gènes du porc afin que les protéines responsables du rejet ne soient plus synthétisées.
"Une fois cette première barrière immunitaire franchie, il faudra s'attaquer aux autres. La première transplantation homme-porc n'est pas pour l'an prochain mais elle pourrait survenir d'ici cinq ans.
Les choses progressent assez rapidement. Notre équipe vient de recevoir l'autorisation d'utiliser un foie de porc transgénique pour détoxiquer le sang d'un malade atteint d'une maladie du foie".