"Dans le cadre de l'ouverture de notre entrepôt Drive, nous recherchons 15 préparateurs/préparatrices de commandes en CDI. Formation en interne de 15 jours en amont de la prise de poste." Sur le papier, l'annonce du Leclerc d'Auxerre, publiée fin juillet, était alléchante, surtout à une époque où les CDI se font rares. Mais derrière cette annonce se cachait une réalité bien moins reluisante, selon un des embauchés, qui a témoigné début octobre sur Rue89. Il venait de démissionner après seulement sept jours de travail pour l'enseigne.
Au lieu d'être recruté immédiatement, Leclerc a proposé à Grégory Roumier (un pseudo) de faire d'abord une formation de six semaines, non rémunérées, avec une simple promesse de CDI à la clef. Pendant ce temps-là, M. Roumier devait seulement continuer à percevoir son allocation spécifique de solidarité (ASS), 477 euros par mois, versés par Pôle emploi. Ce dispositif, nommé action de formation préalable au recrutement (AFPR), doit normalement permettre à des chômeurs ne bénéficiant pas des qualifications requises pour un poste de les acquérir sans coût pour l'entreprise. Mais M. Roumier, raconte que la formation était loin d'en être une.
"En un quart d’heure tout est expliqué. Une heure plus tard, muni de ma 'scannette', je prépare déjà seul mes commandes. Tout aussi rapidement, je suis formé à la livraison clients, cette fois avec une employée qui a bien signé le fameux CDI. Une formation de six semaines pour être préparateur de commandes ? Elle ne prendra en réalité pas plus d’une heure. En une semaine, un nouveau fait aussi bien que les autres."
Après sept jours au Drive, M. Roumier a démissionné, en raison des conditions de travail qu'il juge trop difficiles, et sans avoir signé de contrat avec Leclerc ou Pôle emploi. "Nous n’avons qu’un jour de repos par semaine, le dimanche. Nous travaillons 6 heures par jour sauf le vendredi, 6h15, et le samedi, 6h30. Soit 36h45 par semaine", payées 35 en raison du temps de pause. "Cette prétendue formation est en réalité une période d’essai, financée par Pôle emploi", critique-t-il.
Selon les informations du Monde, le Leclerc Drive d'Auxerre a sélectionné, en même temps que M. Roumier, 25 chômeurs via l'AFPR. Seuls seize d'entre eux ont été recrutés en CDI mi-septembre à l'issue de leurs six semaines de formation gratuites. Presque la totalité des recrutements du Drive seraient ainsi passés par ce dispositif. Leclerc n'a pas donné suite aux demandes d'entretien du Monde, mais le directeur de l'agence Pôle emploi d'Auxerre se dit, lui, "satisfait" du dispositif.
"La moitié des seize chômeurs recrutés étaient des chômeurs de longue durée et 60% ne sont pas qualifiés. Leclerc n'aurait peut-être pas pris ce risque d'aller sur ce type de profils", défend Michel Descloux. Comment explique-t-il, alors que l'annonce initiale parlait de deux semaines de formation, que Leclerc en ait finalement prévu six? "On a dû se rendre compte que 15 jours c'était pas suffisant. Il y a des techniques et des procédures très particulières sur la prise et le suivi des commandes. Pour des gens de petit niveau de qualification, deux heures ne suffisent pas. Peut-être que le chômeur qui s'est plaint avait de meilleurs facultés", défend-il.
6 720 euros d'aide versées à Leclerc
De quoi justifier selon lui, les fonds que verse en plus Pôle emploi à Leclerc pour financer la formation. Chaque heure de "formation" est financée à hauteur de deux euros par l'organisation. Pour les 16 chômeurs, Leclerc a ainsi touché 6 720 euros de Pôle emploi.
"Une formation de six semaines pour un poste de préparateur de commandes, c'est vraiment n'importe quoi. On se fiche de la tête des demandeurs d'emplois et de la nôtre. L'argent de Pôle emploi est un peu l'argent de tout le monde!", tonne Fabienne Germain, déléguée syndicale CGT dans l'agence d'Auxerre, qui dit avoir refusé d'orienter les chômeurs vers Leclerc dans ces conditions. "Mais les collègues disent qu'ils n'ont pas le choix, très peu réagissent", se plaint-elle.
La CFDT est, elle, moins critique. "6 720 euros, c'est pas grand-chose, si on considère l'économie faite par Pôle emploi sur l'indemnisation des chômeurs qui ont été embauchés en CDI. Il s'agissait de publics éloignés de l'emploi, certains des embauchés sont même venus remercier leur conseiller. 16 CDI à temps plein, ce n'est pas négligeable", juge Pascal Dubois, délégué CFDT.
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