Un livre, récemment paru sous la plume de deux sociologues aigris, montre que la haine du riche est plus vivace que jamais.
Morceaux choisis :
Il y a d’abord la violence économique, dans sa version néolibérale, avec une finance spéculative qui prend le pas sur la production industrielle. Les exemples d’entreprises françaises comme Peugeot, Arcelor et bien d’autres, licenciant à tour de bras malgré des bénéfices énormes sont légion. C’est l’exemple immédiat de cette violence exercée par la confrérie des grandes familles !
Une des dimensions primordiales de cette lutte contre la violence symbolique est de réhabiliter les concepts du marxisme. Redire les mots tels qu’ils sont. C’est-à-dire parler de capital et de capitalistes. Parler de ces classes sociales qui sont antagoniques. Parce que les riches accaparent la plus grande part de la plus-value produite. Donc il y a une nécessité de réintroduire ces concepts qui n’ont rien perdu de leur pertinence dans notre société. Et de lutter contre cette dérive lexicale. Par exemple parler de flexi-sécurité, c’est aberrant : si c’est flexible, ce n’est pas de la sécurité. Si c’est de la sécurité, ce n’est pas flexible. Il y a une importance à parler franc et à dire les choses telles qu’elles sont. Parler d’exploitation. Mettre en cause la finance internationale. Expliquer qu’un individu qui gagne un million d’euros, ce qu’il gagne c’est sur le travail des autres. Nous tentons de restituer un état d’esprit de conscience de classe.
On parle de délinquance en cols blancs. De délits en bandes organisées. De délits des beaux quartiers. S’il le faut, nous inventons des néologismes ou nous réactualisons des termes. Le « bourgeoisisme » que nous dénonçons est un contre-pied linguistique au populisme péjoratif dont cette classe nous affuble. Nous en avons marre des flagorneries des riches entre eux. On en a marre du « bourgeoisisme » du Figaro. On en a marre du « richissisme » des chroniqueurs de la Bourse. On en a marre de « l’oligarchisme » de l’ENA et du Who’s Who ! Parler de bourgeoisisme comme nous le faisons en conclusion de notre livre est une arme linguistique rigolote… car avec l’humour aussi on peut faire avancer les choses.
Oui, l’organisation cosmopolite est absolument transversale à la classe. Dès la naissance, ils apprennent de façon maternelle plusieurs langues. Ils vont dans des collèges, en Espagne, en Angleterre, aux États-Unis. Autour de la table chaque jour, il y a plusieurs nationalités qui sont représentées, que ce soient des membres de la famille ou des amis. L’argent aussi est investi de manière complètement internationale. La culture également. Le monde du marché de l’art est profondément international. De telle sorte que l’internationalisme est consubstantiel à cette classe, et que par la médiation de la sociabilité mondaine, cet internationalisme est un mode de vie.
Par exemple, je me souviens d’une visite chez un noble, très riche, qui nous avait reçus. Il faisait visiter la galerie des ancêtres à son petit-fils et expliquait que tel portrait était celui d’un aïeul du XVIIIe siècle. Donc on voit un enfant qui apprend à devenir membre de la dynastie : il a des ancêtres et il aura des héritiers. Cet enfant était d’emblée plongé dans un temps qui est beaucoup plus long que le temps vécu d’un immigré ou d’un membre de la classe populaire dont la mémoire ne dépasse pas celle du grand-père. Voilà une réalité qui forme une inégalité en profondeur du rapport à l’existence et au temps. Quelques jours après la visite de ce château en Limousin, j’assistais ainsi à la destruction d’une barre HLM à Aubervilliers. Il y avait des enfants qui avaient grandi dans cette barre et qui regardaient partir en poussière ce qui était le lieu de leur enfance. Ils n’auront aucun lieu qui comme ce château représentera leur passé. Il y a donc une vraie précarité de la vie populaire qui n’a pas de commune mesure avec l’espace de sérénité de la vie grande bourgeoise qui se nourrit de plus en plus d’impunité.
Cette classe, en tant que classe dominante, fait du déni de la règle, la qualité du dominant. Et cela, c’est nouveau par rapport au milieu des années 1980. Nous poussons un cri d’alarme car nous pensons qu’au néolibéralisme correspond un individu néolibéral, pervers, narcissique, au-dessus des lois, qui n’hésite pas à être dans la délinquance, sachant qu’il sera impuni car il y a très peu de sanction pénale à la délinquance des riches. Cet individu ultralibéral sans foi ni loi est une menace énorme pour la sécurité de notre pays, pour l’idée d’un changement collectif, organisé, qui ne soit pas la barbarie de tous contre chacun. Il faut que les classes populaires reprennent conscience de cette réalité.
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