Un rapport commandé par la ministre du Droit des femmes élabore une stratégie pour contrer l'influence massive des anti-avortement sur Internet.
La voix de Sylvie tremble et se brise. Quelques larmes coulent, puis la très élégante quadragénaire se reprend et poursuit son témoignage. En vingt minutes et trois vidéos, elle raconte comment, il y a vingt ans, elle a été poussée malgré elle à interrompre une grossesse, décrit l'abominable gynécologue qui l'a reçue sans jamais la regarder dans les yeux, se demande tout haut comment un homme peut "passer sa journée à découper des bébés avant de toucher son cachet et de reprendre sa Porsche", donne les détails les plus sanglants. Avant de se dire convaincue que l'enfant dont elle a accouché 10 ans plus tard a ressenti, dans l'utérus, la présence traumatisante du foetus dont elle avait avorté.
De ce type de témoignages, filmés ou écrits, ivg.net regorge. Le site, administré par Sos-Détresse, ne cache certes pas son statut associatif, mais cultive sa ressemblance avec des espaces institutionnels. Il mentionne notamment un "centre de documentation médicale sur l'avortement" et donne accès à un "centre national d'écoute". Son orientation, cependant, est claire. À la rubrique "Santé", la liste des "risques de l'IVG". Dans le "Forum", des femmes qui décrivent tour à tour des avortements horrifiants et de merveilleuses mises au monde, ou qui jettent le doute sur les personnels médicaux et les plannings familiaux, décrits (au mieux) comme désinvoltes, indifférents, glacés. "Nous ne sommes pas anti-IVG, s'insurge pourtant Marie Philippe, responsable du site. Nous cherchons simplement à donner aux femmes une information complète."
Dissuasion
Complète ? "Biaisée", rétorque le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, qui vient de remettre à Najat Vallaud-Belkacem le premier volet, traitant de "l'information sur l'avortement sur Internet", d'un rapport complet sur l'accès à l'IVG commandé par la ministre en avril, et prévu pour octobre. L'avortement, souligne le texte, est aujourd'hui l'objet de remises en cause "insidieuses", notamment sur le Web : les anti ne cherchent plus à attaquer le droit à l'avortement, mais tâchent de dissuader les femmes d'y recourir. "Les contre ont changé de discours, car la société ne les entend plus", confirmait à l'Agence France-Presse Jean-Yves Le Naour, coauteur de L'histoire de l'avortement (Seuil) en janvier, à l'heure où la ministre lançait les premières pistes de réflexion.
Les auteurs du rapport (des membres de la commission Santé, droits sexuels et reproductifs du Haut Conseil ainsi que des médecins ou des responsables du planning familial) le constatent : les sites anti-IVG (ou qui, du moins, cherchent à dissuader les femmes d'y recourir) sont les premiers référencés et les plus visibles sur le Web. Parce qu'ils sont dédiés à la question, en effet, ils portent des noms de domaine qui y sont liés (à la différence de sante.gouv.fr ou du site du planning familial, où l'IVG n'est l'objet que d'une rubrique ou d'une sous-rubrique). En outre, les associations qui supportent ces plateformes ont développé tous azimuts leur présence sur le Web grâce à YouTube ou aux réseaux sociaux. Enfin, elles laissent croire qu'elles offrent des informations pratiques, grâce à la mention de centres d'écoute téléphonique aux larges amplitudes horaires. De fait, ivg.net figure parmi les premiers résultats d'une recherche générale sur "IVG"... lorsqu'il n'est pas tout bonnement en tête de liste.
Entrave
Face à cette hégémonie, le rapport préconise de battre les "anti-choix" sur leur propre terrain et avec les mêmes armes. Le Haut Conseil demande, ainsi, la création d'un site institutionnel dédié. Celui-ci devra "porter une parole publique claire et volontariste, qui affirme le droit à l'avortement et défende la légitimité de toutes les femmes à y avoir accès". "Il ne s'agit pas, précise le rapport, de faire la promotion de l'avortement, mais celle de son droit." Ce site offrirait en outre un ensemble d'informations pratiques aux femmes en état de grossesse non désirée, renverrait vers des organisations locales ou régionales parfois mal référencées et alerterait sur la présence, sur Internet, d'informations biaisées. Le rapport encourage également la mise en place d'un numéro gratuit et anonyme à quatre chiffres.
Parmi les autres pistes de réflexion : la création d'un label qui permette aux internautes de faire le tri entre les sites partisans et les autres, et une réflexion sur le "délit d'entrave" à l'IVG que la loi Neiertz avait introduit, en 1993, en réaction aux commandos anti-IVG des années 1980. La loi, en effet, punit le fait de perturber l'accès aux établissements pratiquant l'avortement ou d'exercer des pressions psychologiques à l'encontre de leurs personnels, des femmes souhaitant s'y rendre ou de leur entourage. À l'heure où l'information médicale sur Internet s'étend (près de 39 % des femmes en France y auraient recours), une évolution de ce cadre juridique serait bienvenue, estime le rapport.
Du côté d'ivg.net, on se dit "choqué" de la publication du texte. "Il est scandaleux que nous n'ayons pas été auditionnés", affirme Marie Philippe, qui dit envisager de contester en justice la façon dont son association est présentée. Si cette dernière cherche, comme elle l'affirme, à donner aux femmes une information complète sur l'IVG, ne devrait-elle pas se féliciter de l'arrivée prochaine d'un nouveau site ? "Parmi les auteurs du rapport figurent une majorité de membres du planning familial. Ce sont des militants politiques, à la différence de nous." Chacun jugera.
Par Marion Cocquet
http://www.lepoint.fr/societe/ivg-la-gu ... 942_23.php
Face aux sites pro-vie, il n'y a pas de site pro-avortement tenu par des militants
A propos du projet de propagande étatique de Najat Vallaud-Belkacem pour contrer l'influence des sites pro-vie, H16 écrit :
"on peut se demander pourquoi de l’argent public devrait être mobilisé pour contrer des sites qui n’ont rien coûté au contribuable. Pourquoi ne trouve-t-on pas, symétriquement aux associations anti-IVG, des associations pro-IVG, financées avec l’argent de leurs membres (et pas des subventions publiques, merci) dont les fonds pourraient servir à une optimisation SEO un peu moins branquignole que celles des sites gouvernementaux actuels ? Qu’est-ce qui empêche les personnes qui se sentent concernées de lancer, à bon droit, une souscription, par exemple avec une émission télé pour récolter des dons (on pourrait l’appeler Avorthon, tiens) ?"
http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog ... tants.html
http://www.ndf.fr/poing-de-vue/16-09-20 ... d-belkacem