le 16 juin 2013
La ville de Detroit endettée: vers la plus grande faillite de l’histoire des USA?
La ville de Detroit, au nord des Etats-Unis, a été contrainte vendredi de faire défaut sur une partie de sa colossale dette de 18,5 milliards de dollars en raison de ses grandes difficultés financières.
En mal de liquidités, la municipalité a décidé d’imposer un moratoire sur des paiements qui étaient dus vendredi et a proposé un plan de restructuration de sa dette à certains créanciers qui devraient se prononcer dans les 30 jours.
Un moratoire sur le paiement du principal et des intérêts de la dette non-garantie de la ville, qui comprend une ligne de 34 millions de dollars arrivé à échéance ce vendredi, pourrait permettre à la ville de conserver suffisamment de liquidités pour continuer de fournir les services publics aux habitants, a expliqué Kevin Orr.
Le plan prévoit d’isoler 7 milliards de paiements dus par la ville, notamment à des fonds de retraites, qui ne seraient plus entièrement garantis.
Selon la proposition de 66 pages de Orr, la dette non garantie comprend en autres:
- 5,7 milliards de dollars en prestations post-retraite.
- 2 milliards de dollars pour la dette non provisionnée de la pension des salariés en général.
- 1,43 milliard de dollars en certificats de titres de pension.
- 265 millions de dollars sous forme de prêts non garantis.
- 33,6 millions de dollars en billets et prêts.
En cas de rejet de la restructuration, la ville pourrait connaître la plus grande faillite de l’histoire des Etats-Unis.
Du "50/50"
C’est du "50/50", a évalué Kevyn Orr, un expert nommé par le gouverneur de l’Etat du Michigan pour gérer les problèmes de la ville, ancien berceau américain de l’automobile.
"Une mauvaise gestion financière, une population en baisse, une érosion de la base fiscale pendant ces quarante-cinq dernières années ont amené Detroit au bord de la ruine", a-t-il ajouté devant la presse.
Après l’annonce du défaut partiel, l’agence d’évaluation financière Standard and Poor’s a abaissé la note de solvabilité de la municipalité à "CCC-", ce qui correspond aux obligations très risquées.
M. Orr a toutefois assuré que le "chemin de Detroit vers la reprise commençait aujourd’hui".
Autrefois quatrième ville la plus peuplée des Etats-Unis, Detroit a vu sa population fondre de plus de moitié en soixante ans, passant de 1,8 million d’habitants en 1950 à 685.000 actuellement.
Les tensions raciales et les émeutes qui ont éclaté lors du mouvement des droits civiques dans les années 1960 ont accentué le mouvement de départ des populations blanches issues de la classe moyenne vers les banlieues ou hors de la ville.
Les entreprises ont suivi le mouvement, érodant les recettes fiscales et obligeant à réduire certains services publics.
Detroit, où les fonctionnaires ont du mal à assurer la sécurité du public et même l’éclairage des lampadaires, rejoint ainsi la Californie, les villes de Stockton et San Bernardino en n’honorant pas leurs obligations vis-à-vis de leurs créanciers obligataires. Jefferson County en Alabama, le 5 Juin a conclu un accord pour mettre fin à sa faillite municipal actuel en offrant à ses principaux créanciers 60 pour cent de ce qui leur était dû.
http://leblogalupus.com/2013/06/16/la-v ... e-des-usa/
reportage impressionnant :
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Publiée le 2 déc. 2012
Detroit, la faillite d'un symbole
Berceau de l'industrie automobile américaine et de la musique soul, la plus grande ville du Michigan a été, plus que d'autres aux États-Unis, laminée par les crises successives. Certains de ses habitants tentent de relever la tête...
« Cette ville fait 250 km2 et il y a des milliers de bâtiments abandonnés », témoigne Bob Huston en faisant visiter ce qui reste d'un hôpital désaffecté. « Le système scolaire est foutu, l'infrastructure est foutue, tout est vieux et obsolète. On n'a pas d'argent, on est en déficit. En 1960, la ville comptait presque deux millions d'habitants, aujourd'hui elle n'en a plus que 750 000. Plus d'un million de personnes ont quitté la ville, c'est horrible. » Construite en 1913, la Michigan Central Station, par laquelle affluaient chaque jour au début du XXe siècle 5 000 immigrants d'Europe, est fermée depuis 1988. Livrée à tous les vents comme des dizaines de bâtiments publics ou industriels, la gare ne voit plus passer aucun train, excepté celui de la désolation. Detroit est en faillite depuis qu'elle est privée des subventions fédérales, servies seulement aux villes de plus de 750 000 habitants. Dans la cité, où eurent lieu en 1967 les plus graves émeutes à caractère racial de l'histoire des Etats-Unis, plus rien ne va depuis longtemps déjà. « D'une manière ou d'une autre, observe Nolan Finley, éditorialiste au Detroit News, Detroit est en déclin depuis les années 1930. On n'a jamais récupéré complètement de la grande dépression. »
Un autre futur se dessine... peut-être
Rattrapée par la mondialisation et la désindustrialisation, gangrenée par un chômage et une criminalité exponentiels, Detroit a fini de boire la tasse avec la crise financière de 2008, qui a vidé de leurs occupants des quartiers entiers, avalés depuis par les herbes folles. Peuplée à plus de 80 % par des Afro-Américains, « Motor City » n'a pourtant pas encore dit son dernier mot. Un peu partout, des initiatives émergent. De nouveaux business, comme celui d'agent immobilier qu'est venu y exercer le Français Jérôme Huez, voient le jour. « Nous sommes une ville, assure Ann Perrault, qui a monté sa boulangerie bio, qui peut s'écrouler sur elle-même. En même temps, c'est un terrain d'opportunités où l'on peut créer plein de choses. » Des habitants se retroussent les manches pour transformer les friches, qui occupent un tiers de la superficie de la l'agglomération, en jardins potagers. Avec Wayne, son mari, Myrtle Curtis veille sur des parcelles d'épinards et de laitues : « Tu es ce que tu manges, fais pousser un jardin et tu feras pousser la communauté. » En ayant fait passer le nombre de jardins de 80 en 2004 à 1 600 aujourd'hui, des citoyens ont commencé à se réapproprier leur territoire et à se réinventer un futur. Président d'Eastern Market, le grand marché de Detroit, où se retrouvent les petits producteurs locaux, Dan Carmody veut croire au frémissement qui annoncera, peut-être, des jours meilleurs : « C'est à Detroit que le futur des villes américaines est en train de se définir. Le système est plus cassé ici qu'ailleurs, on est donc plus libres pour expérimenter de nouveaux modèles... »
Christine Guillemeau
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Réalisation : Thierry Derouet et Nathalie Barbe
Production : Bonobo Productions, avec la participation de France