La petite croix de Philippe Verdon
Philippe Verdon, assassiné en mars dernier (mais on n’en a eu confirmation que récemment) par des djihadistes d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique), avait été enlevé en novembre 2011 avec Serge Lazarevic (toujours aux mains des islamo-terroristes) à Hombori, dans le nord-est du Mali.
Philippe Verdon n’a pas bénéficié, lui, de la mobilisation corporatiste et de la fièvre médiatique mises en branle pour les deux journalistes zigotos enlevés – puis libérés – par les talibans d’Afghanistan.
Ce qu’on vient d’apprendre, c’est que Philippe Verdon a été assassiné d’une balle dans la tête. Mais aussi qu’on a retrouvé, près de son corps qui a été restitué à ses proches avec ses affaires, une petite croix de bois. Une petite croix qu’il avait sculptée de ses mains. Et qui avait échappé à la vigilance de ses bourreaux.
L’un de ses proches déclare : « C’est poignant. Ses amis sont encore sous le choc. Il était catholique, mais pas forcément pratiquant ». Pas forcément pratiquant. Mais catholique.
Retenu près de deux ans dans des conditions éprouvantes par des fous d’Allah, Philippe Verdon a trouvé, cette petite croix le prouve, le réconfort dans la foi. Dans le Christ. On imagine que, ne se faisant aucune illusion sur le sort qui allait lui être réservé (malade, difficile à transporter, il devenait une charge pour eux), il s’est accroché à cette petite croix. En espérant, peut-être, qu’elle parviendrait comme un dernier témoignage – et c’est le cas – de sa résistance face à des fanatiques. Ils l’ont tué. Mais c’est lui qui est vainqueur.
Cette croix, cette petite croix, nous rappelle les premiers chrétiens qui, au plus fort des persécutions traçaient, avant de mourir, dans le sable des arènes ou sur les murs de leurs ergastules, un poisson stylisé ou un mot, ichtus (1).
Oui, on l’imagine récupérant un petit morceau de bois, dans sa prison de pierrailles où le bois est rare et, jour après jour, à l’insu de ses geôliers, lui donnant la forme d’une croix. Il a fallu aussi la cacher, la mettre à l’abri, la protéger. En même temps, cette croix protégée et protectrice lui donnait la force de tenir bon.
On l’imagine dans les nuits glaciales du Tessalit, après des journées de fournaise, serrant dans sa main sa croix, sa petite croix. Catholique désormais pratiquant. Il est seul dans la nuit. Mais il n’est plus seul. Et quand les djihadistes lancent leurs « Allah Akbar ! » il récite, lui, le Notre Père sur ce petit morceau de bois qu’il tient contre lui. Mort, où est ta victoire ?
Il a fallu plusieurs semaines à l’armée française, guidée par des Touaregs, pour retrouver le corps martyrisé – car Philippe Verdon est un martyr au sens chrétien du terme – de cet homme qui n’avait peut-être pas lu Psichari mais qui, à l’heure ultime, s’est présenté chrétiennement devant le Sauveur.
Une cérémonie sera organisée à la mémoire de Philippe Verdon, le 22 août prochain à 15 h 30, au cimetière de Montferrand-Périgord en Dordogne. La petite croix sera déposée sur un coussin à cette occasion.
(1) Ichtus : du grec ancien ikhtùs (« poisson »), symbole crypté utilisé par les chrétiens du Ier au IVe siècles. Les initiales d’ICHTUS, qui forment un acrostiche, donnent : Iesous Christos Theou Ubios Soter (« Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur »).
ALAIN SANDERS
Présent
Article extrait du n° 7918
du Samedi 17 août 2013