Ce royaume ne saurait être un autre que celui d'Israël.
Selon les évangiles, Jésus avait promis à ses disciples qu'il partagerait avec lui le royaume de Dieu. (Royaume d'Israël ou royaume des cieux).
Juste après sa mort, l'attitude des disciples, leurs espoirs, leurs désespoir, varient eux aussi d'un récit à l'autre.
Pour ce qu'il se passe après la crucifixion il y a tout de même un accord dans les évangiles à signaler le désarroi des disciples, leur défaitisme. L'annonce de la résurrection est une nouvelle qui les prend à revers, ils ne s'y attendent pas. C'est une nouvelle qui les fait se retourner, par exemple avec les pèlerins d’Emmaüs qui tournent le dos à Jérusalem. Métaphore de ce qui s'est produit avec la mort de Jésus. Le constat d'échec est posé sur un espoir messianique dans la mesure où la mort s'est déroulé sans signe, sans prodige et sans retournement prodigieux. Ayant annoncé le royaume de Dieu, Jésus finit crucifié avec l'aval des autorités juives de son temps. Le royaume ne s'est pas matérialisé, et ceux qui n'ont pas bénéficié d'une apparition de Jésus, il n'y a pas de raison de penser qu'il s'est passé quelque chose de radicalement différent. Pour les juifs qui ne croyaient pas en Jésus, il s'est avéré être un faux prophète.
Que se passe-t-il avec la mort de Jésus ? Quelle signification ?
Un renvoi à l'avenir ? Il semble que Jésus ait eu une espérance à court terme, il avait espoir qu'un message recevrait un accueil favorable. Il espérait que le peuple adhérerait massivement à son annonce. Que Dieu viendrait parfaire le processus, de manière imminente. Dans l'évangile selon Mathieu le logion des 12 trônes: "en vérité je vous dis que vous qui m'avez suivis lors de la nouvelle création quand le fils de l'homme sera assis sur le trône de sa gloire, et bien vous siégerez aussi sur 12 trônes jugeant les 12 tribus d’Israël." Derrière le verbe grec qui est employé pour parler du jugement, se trouve un verbe en hébreux qui se dit shafat qui veut dire régir et juger, donc une forme de gouvernement est envisagée. à ce moment là on peut proposer du logion une double lecture et parmi elles il y aurait celle d'une promesse valant pour les disciples et leur indiquant qu'ils seraient associés à une sorte de gouvernement du peuple d’Israël.
Du temps du Jésus terrestre d'après Mathieu au chapitre 19, ou Pierre qui dit "nous avons tout abandonné qu'est-ce que nous allons faire" Jésus dit "vous allez siéger sur les 12 trônes pour juger les 12 tribus d’Israël. C'est une manière de dire que les 12 doivent renouveler Israël. Au début des actes on va reconstituer le groupe des 12 parce qu'un d'entre eux a manqué à la mission, Judas. Qu'on désigne comme "1 des 12". Or Judas appartenait aux 12, et il faut bien voir que si Jésus a rassemblé autour de lui 12 disciples c'était déjà pour exprimer quelque chose vis-à-vis d'Israël. Pour la rénover, il fallait que Jésus ait des gestes et des actes symboliques. Ce nombre a un sens symbolique, mais il ne faut pas voir Jésus comme convoquant les 12 de manière solennelle, il y a là un fait qui peu à peu s'est constitué. Jésus a donné un sens au fait qu'il ait eu des disciples proches de lui. 3 listes de disciples figurent dans les évangiles, sans jamais concorder entre elles, places et noms différent. Ce groupe n'est pas composé des 12, il y a un cercle restreint, mais entouré d'un cercle d'adhérents beaucoup plus large parmi lesquels Joseph d'arimathie, des femmes, marie de magdala et tant d'autres. Nous ne sommes pas obligés de penser que les 12 étaient 12 compte tenu de la symbolique. Et si on rajoute à ça la divergence des listes...
Question "qui est le plus grand ?" ou bien quand Pierre et les autres disent à Jésus "D'autres construisent des églises en ton nom, devons-nous faire tomber la colère de Dieu sur eux ?" Ces détails font penser à une mentalité sectaire ou étroite "nous sommes le vrai groupe, et pas les autres". Le groupe des 12 anticipe le royaume à venir, un royaume que certains comprennent comme le royaume céleste, dans lequel ils monteront à l'appel du ressuscité. Un royaume que d'autres
au contraire n'imaginent pas ailleurs que sur la terre d’Israël purifiée de la présence romaine. Alors que Jésus ressuscité est en compagnie de ses disciples pendant 40 jours, voilà qu'ils l'interrogent: "Seigneur, est-ce en ce temps-ci que tu rétablis la royauté pour Israël ?" Qu'est-ce qu'on attend ? On attend que Dieu par un envoyé ou lui directement, une libération vis-à-vis des païens. L'occupation romaine a été un acte humiliant pour ce peuple, conscient de ce qu'il représente, témoin de la sainteté de Dieu, au milieu d'un monde impie. Il ne faut pas oublier que nombreux non juifs habitaient en terre sainte et qu'il existait des villes composées de grecs non juifs, où se rencontraient des temples païens. Donc pour les juifs traditionalistes la situation était inacceptable. La voie tracée dans les années 30, dans le judaïsme palestinien, c'est l'espoir d'une restauration d’Israël. Cet espoir trouve sa cohérence dans la restauration d'une pureté d’Israël via le terrassement du mal (les impies), l'attente de la conversion des pêcheurs, attente d'une restauration théocratique, chose prise en charge par les zélotes. Contexte de la Judée à ce moment là, sous les gouverneurs romains assez féroces. Les mouvement zélotes se multiplient. De plus en plus de mouvement de rébellion contre tout et tout le monde. Il est possible que des juifs du 1er siècle entendant parler du royaume de Dieu puissent imaginer que son règne est inévitablement la restauration d'une autre économie sur la terre d’Israël. Un règne de Dieu, une théocratie.
Toutes les sources que nous avons ne permettent pas de donner une épaisseur politique de l'action de Jésus. Ces sources sont postérieures à sa mort. Donc ce sont des sources qui réécrivent l'histoire, sur le plan politique, on note un échec. mais la tradition sur Jésus ne permet pas de faire l'hypothèse que la libération politique de la Palestine était pour Jésus un problème de première importance. Le texte est très clair, si vous voulez bien vous souvenir à quoi s'attendaient les disciples (la restauration du royaume, espérée par beaucoup de juifs partis en guerre). Des pièces de monnaie remontant à l'an 60 portent des slogans pour la libération d’Israël. voir l'évangile de Luc: des disciples en route pour Emmaüs, Jésus ressuscité vient à leur rencontre et leur demande: "comment pouvez-vous être si tristes ?" Ils répondent: "Tu ne sais pas ce qui est arrivé ?" -"Qu'est-il arrivé ?" -"Ce qui est arrivé au sujet de Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en oeuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, et comment les principaux sacrificateurs et nos magistrats l'on livré pour le faire condamner à mort et l'ont crucifié. Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël". Cela voulait dire se libérer du joug romain.
Jésus sait que l'armée d'occupation commet des exactions. Il est probable que Jésus liait l'occupation romaine et l'impureté. Le démon qui se nomme légion est chassé et changé un porc. Jésus pense que Dieu est d'une certaine façon en train d'intervenir. Cela n'impose pas d'organiser une révolte politique-militaire.
Pour jésus il faut faire une distinction entre deux catégories: activisme politique ou simple prophétie.
flavius josèphe parle de plusieurs personnages persécutés par les romains. Il cite des prophètes sans vraiment dire pourquoi il représentent un danger pour le régime. flavius josèphe avait intérêt à ne pas faire apparaître les figures religieuses du judaïsme comme des menaces pour l'autorité romaine. Dans les évangiles, il s'agit plus de rendre à césar ce qui appartient à césar, à tendre l'autre joue, bref juste à attendre pacifiquement, donc on ne voit aucune raison pour que Ponce Pilate s'alarme et intervienne. Mais pour les romains, deux royaumes ne peuvent coexister.
Pour Jésus, le royaume commence déjà à se réaliser indépendamment de l'expulsion des romains. Dans les évangiles synoptiques on trouve des éléments en faveur des deux tendances. A un certain moment Jésus parle du royaume de Dieu qui est en nous, intime. A d'autres moments Jésus parle en terme d'eschaton. Ce que l'on peut dire c'est qu'on reprochait à Jésus d'avoir dit qu'il se prétendait roi des juifs. Rien ne permet de dire si Jésus a souhaité régné sur Israël. Mais rien ne permet de dire non plus qu'Israël n'était pour lui qu'une question secondaire. Premièrement il faut constater qu'aucune des prophéties qu'il a annoncée ne s'est réalisée. Deuxièmement, malgré cet échec, les actes des apportes soutiennent que les premières générations continuent d'attendre et d'attendre encore leur accomplissement. Dans son 2e récit de l'ascension Jésus répond à ses disciples qui lui demandent: "Seigneur est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ?" -"Vous n'avez pas à connaître les temps et les moments que le père a fixé de sa propre autorité, mais vous allez recevoir une puissance, celle du saint-esprit, qui viendra sur vous." Tout comme au début du livre des actes.
Quand Jésus apparaît à ses disciples l'unique question qu'ils lui pose concerne le moment de cette restauration. Après, les priorités changent, celle du témoignage devient primordiale. En Judée, en samarie, et jusqu'à l'extrémité de la terre. Les disciples qui espéraient un rétablissement politiques sont détournés vers autre chose. Ils s'attendaient à ce que ce soit imminent, or un énorme écart temporel aura lieu. 20 ou 30 ans après la crucifixion, il était devenu évident que le royaume d’Israël ne serait pas restauré. Donc le royaume de Dieu ne s'établirait pas sur terre. Dans une situation où l’espérance eschatologique n'existe pas, il existe d'autres options, le don du saint-esprit, le retour de la prophétie, et la spiritualisation, qui trouveront une place éminente dans le livre des actes. Quand Jésus parlait du royaume de Dieu, c'était en araméen, ça signifiait qu'il parlait du royaume de dieu pour son peuple, le peuple juif, sur le plan politique. Disant que les juifs de la diaspora reviendront d'exil et qu'à partir de ce moment, le peuple juif vivra de manière exemplaire dans un royaume modèle, créant le royaume de Dieu sur terre. L'écart va se creuser entre les attentes du vivant de Jésus, et les attentes d'après sa mort. La croyance en la résurrection va changer la figure du prophète passant de seigneur à christ ressuscité.
Après la résurrection de jésus l'attente des disciples va changer, ils attendront son retour devant réaliser la pleine manifestation du royaume. En prison, Paul commence à envisager qu'il ne sera plus vivant quand le christ reviendra, mais il maintient sa thèse d'un retour imminent. En regardant la chronologie des évangiles, plus le texte est tardif, plus l'urgence diminue.
sources: P-F. Béatrice, S.Légasse, M.Hengel, P.Fredriksen